Où suis-je ? Heureusement, qui suis-je m'est acquis. Je déambule solitaire, depuis une décennie au bas mot, le spectacle alentour se répète, se copie, s'imprime. D'une humanité, ou du moins ce qu'il en fut, uniformisée, unisexée, uniformée, unilatéralisée, unie-désunie. Ces mêmes êtres le nez dans le Smartphone, plutôt stupidephone à bavocher sans fin, ou bien pianotant frénétique sur le clavier afin d'échanger des texto à teneur séance tenante, tout en s'empiffrant d'un triangle de pizza dégoulinant, d'un kebab baobab huileux, fringués d'un short arc en ciel qui aurait vomi, d'un teeshirt où la viande sort, suante et suintante, d'une casquette à l'envers, bras, jambes, couverts de tatouages, de piercings et parfois d'un os dans le nez, d'une plume dans l'fion... Bref, 95% de ce que je vois et croise s'affaire à faire les soldes, les " all you can eat" à t'en foutre jusque là, les " happy hour" de défonce à mort; les yeux fixés à l'intérieur d'eux même, comme aspirés par leur moi, MOUA!!! Des naufragés d'un vaisseau en perdition coincé entre un sex-shop et une galerie marchande.
Mais où suis-je donc bon dieu?Ces deux dernières années seulement, j'ai vu "ça" dans le U-Bahn de Berlin, au centre ville de Phnom Penh, près du palais royal à Bangkok, dans le quartier anglais à Rangoon, le marché de nuit à Chiang Mai, à Milan cette année durant l'expo universelle, en Bretagne Finistère nord, dans les alpes, sur la cote et aujourd'hui à Budapest. Sous un soleil de plomb, je déambule solitaire sur une avenue sans repère au milieu de noyés, tous effacés qu'ils sont par "le consommé", l'œil vide, aucun regard ne se croise, personne ne se dévisage bien trop "busy" à pianoter, jacter, éructer, consommer, fucker, se consumer; personne ne se parle, se souri, personne ne sonne-sonne. Les seuls, seulement ceux qui auraient de l'interaction sont les damnés de la terre: SDF ivres mort, drogués en manque, vieille pute défoncée; ceux là oui viennent à toi... Et font peur.
Je ne mentionnerais pas l'invasion des fastfoods, des restos pseudo mexicain, thaïlandais, sushis fabriqués en usine, et autres delicatessen puantes; La mangeoire est ouverte 24/7, alors faut s'engouffrer dans l'innommé, s'empafrer à éclater, s'engloutir dans sa fiente, s'esbaudir béatement.
Dans une ville comme Budapest si belle, la horde se précipite téléphone en avant et mitraillâtes des photos; on se Shelfises à tout va, car voir sa gueule est bien plus intéressant que fixer le Danube qui est vert et pas bleu; puis, un p'tit stop au magasin de souvenirs, bouffer une glace à deux boules taille ballon de rugby et hop, les talons se tournent, une autre attraction, d'autres moments inoubliables mémorisés en fatras, et vas y que j'te zappe. Vous me direz - je suis un vieux con, et vous avez raison! Pourtant, pourtant; s'arrêter, prendre son temps, respirer, sentir, contempler, observer et discuter avec une personne à figure locale est certainement ce qu'il s'appelle voyager non? Flâner surtout! Alors que là, c'est le rayon électronique lors de l'ouverture du centre commercial le 1er jour des soldes; on prend en rafale des photos, qui seront découvertes plus tard, par exemple pendant la ripaille du soir entre deux texto, deux mails et la TV qui crache un show de TV irréalité, puis toujours pas repue par ce tintamarre, se regarder la fiole sur le minuscule écran d'une minuscule vie, ha selfie, ah sel de vie, ah con est beaux!
Où est donc ornicar, Mais?Ca c'est la vraie et bonne question. La dernière fois où j'ai vécu de vrais rapports humains c'était en 2010 à Madagascar; là bas, même avec un bon Smartphone, rien ne passe, il faut 1 heure pour envoyer un mail. J'y suis resté 3 mois en étant comme un instituteur pour des enfants à Ankifi. Pas d'eau courante, pas d'électricité; il m'a fallu une bonne semaine pour m'y faire, puis, et ben comme au temps de nos anciens; réunion le soir avec les habitants du village, les enfants jouaient, les adultes palabraient; puis vers 9 heures au lit; réveil à 5... Voilà, c'est la dernière fois ou je me suis senti membre d'un groupe appelé humanité. Depuis lors, de Barcelone à Marseille, de Nantes à Genève, de corse à l'ile de la réunion et même au fin fond de la jungle amazonienne à Maripa Soula, je me suis retrouvé au milieu de mes frères et sœurs qui, un temps pas si lointain furent des êtres de chair et de sang, de pensées, d'idées, de créativité et surtout de visions fraternelles, d'aide et d'empathie.
Je ne voudrais pas faire dans le misérabilisme, mais il a été démontré par des scientifiques adoubés que:
" Michael Kraus, Paul Piff et Dacher Keltner, des chercheurs en sciences sociales de l'université de Californie, ont entrepris des recherches qui les ont amenés à conclure que les pauvres avaient plus d'empathie que les riches. Les pauvres, expliquent-ils, n'ont pas la capacité de dominer leur environnement. Ils doivent construire des relations avec les autres pour survivre. Il faut pour cela qu'ils soient capables de lire les émotions de ceux qui les entourent, et d'y répondre. Qu'ils veillent les uns sur les autres. Et cela les rend plus empathiques. Les riches, qui peuvent contrôler leur environnement, n'ont pas besoin de se soucier des inquiétudes ou des émotions des autres. Ils sont aux commandes. Leurs désirs sont des ordres. Et plus ils passent de temps au centre de leur propre univers, plus ils deviennent insensibles, cruels, et impitoyables."[i]
Comme aurait dit la mère Denis, "ah ça c'est ben vrai va!".
J'ai l'air comme ça vachement pessimiste non? pourtant un optimiste est d'abord un pessimiste informé...
Bref!
Aujourd'hui, je vais aller me balader à Székesfehérvár; Yep! Gouter les vins locaux sous les ombrelles...
Georges Zeter/Juillet 2015Lire les articles de Chris Hedges afin d'affiner...
Et regarder cette vidéo...
https://www.youtube.com/watch?v=_4Cvcz97YRg#t=257