L e chemin qui passe par la forêt et par les champs ne varie guère. Là, l'aubépine, là le poirier aux fruits surs. Je m'y promène toujours en silence, cherchant une réponse à mes propres pensées, dans l'invention d'un compagnon qui n'a jamais été donné à cette solitude. Ombrage, source, chien, et le premier village traversé, et les derniers cent mètres du retour n'ont jamais connu nos échanges. [LE CHEMIN QUI PASSE PAR LA FORÊT ET PAR LES CHAMPS NE VARIE GUÈRE]
Car si nous marchons là, sur ce même parcours où nos pas marquent la terre grasse, ce n'est pas le même chemin. On retrouve pourtant l'aubépine, la poire, la source à voix claire sous son appentis de bois ; pourtant la pente.
À la forêt et aux champs ta présence enlève une chose : le vide où tombe ma pensée restée sans réponse, et l'obligation de t'inventer.
J'habite tout l'espace de ma solitude
en songe je conquiers des habitations
qui se dérobent
les livres sont à terre, la poussière tirée sous les meubles
je ne sais plus qui de moi ou de ma vie regarde l'autre
par la fenêtre
les vêtements retrouvés sont un peu courts
dehors, le jour s'endort
le temps de rêver est le temps d'être seul
ceux que je croyais à mes côtés sont partis
les compagnons véritables se dévoilent
ils portent le masque de l'absent
" qui chuchote mon nom "
Anaïs Bon | François Heusbourg, seul / double, éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2015, pp. 12-13.