Nous sommes déjà en août. Pas de doute, le temps a passé la vitesse supérieure. On n'a pas fini de prononcer le mot " canicule " qu'il sera bientôt temps d'enfiler un thermolactyl et de chausser des moonboots. Ami lecteur, je t'imagine en train de siroter un cosmopolitan sur une plage de Marbella, sans connexion internet (et à fortiori dans l'impossibilité totale de lire ce billet)(si tu ne tires pas au flanc, explique-moi alors pourquoi mes dernières statistiques sont si basses, hein POURQUOI ?). Eh bien sache-le : je t'envie.
Malgré tout ce que tu pourrais légitimement penser - pas de nouveaux billets depuis plus de quinze jours, comment t'en vouloir ? - je ne suis pas en train de me la couler douce sur une petite crique, à me balancer sur un hamac, les doigts de pied en éventail. Ce mois de juillet m'a littéralement épuisée. J'ai vécu une existence nomade au cours des trois dernières semaines, à raison d'un jour, une ville (ou presque) avec son lot de visites, de découvertes et d'heures de marche. Ce soir, je viens de réaliser d'en n'être qu'à mi-parcours - le mois d'août s'annonçant à son tour plein de rebondissements - et me voilà envahie d'une grande lassitude. Alors non, ami lecteur, ne va pas croire une seconde que je me plains. A bout de force, je me dis juste qu'il n'a peut-être pas tort Roger Murtaugh quand il dit " I'm gettin' too old for that shit ".
Il y a deux jours, assise sur mon lit, les mains contre mon ventre et les jambes repliées, la tête bien droite pour éviter de décupler la sensation de vertige et de nausée, il m'est apparu clairement que cette frénésie de voyages n'avait pour seul objectif que celui de m'écœurer. Pas de doute, j'avais bien l'intention de m'avoir à l'usure : à ce rythme, au mois de septembre, je serai prête à accepter n'importe quel boulot, même précaire, et payer pour un pavillon de banlieue et une scenic, ou quoi que ce soit pourvu, que ça évoque un semblant de stabilité.
Assise dans mon lit donc, en proie à des terribles sueurs froides, victime d'un virus malfaisant, j'ai bien cru que j'allais y passer. Seule, dans l'intimité de ma chambre à coucher, avec comme seul compagnon le ronron de la machine à laver qui finissait son programme essorage, j'ai été submergée par une ribambelle de pensées inédites, une véritable conversation avec moi-même, dont je te livre ici quelques morceaux choisis (régale-toi) :
j'ai soif
qui va étendre le linge ?
je crois que je vais vomir
mais je crois surtout que suis déshydratée
et si j'essayais de me lever ?
non non ne fais aucun geste, tu risques de le regretter
ce ne sera donc pas moi qui étendrai le linge, je suis bien trop malade
et qui va nettoyer la chambre si je vomis dans mon lit ?
J'AI SOIF
et si je demandais à quelqu'un de me préparer une tisane ?
et d'étendre le linge (puisqu'il est debout)
burps
si tu vomis tu nettoies, alors ne vomis pas
y a quelqu'un ?
A BOIRE NOM D'UN CHIEN !
y a personne pour me faire une tisane, bon sang ?
et pour étendre le linge, personne non plus ?
et si boire me donnait envie de vomir ? ce serait horrible !
bon, c'est décidé : pas de bassine, pas de tisane
si je meurs déshydratée je dirai que c'était pour réduire le risque de vomissement
oui mais à qui je le dirai du coup ?
y a vraiment personne là ? non mais allô quoi !
J'ai honte mais il me semble bien avoir pensé tout ceci à voix haute - à voix très haute même à cause des acouphènes auxquels je suis sujette quand je suis au bord du malaise. C'était finalement sûrement mieux qu'il n'y ait personne, j'aurais été bonne pour une séance d'exorcisme ou la camisole, au choix.
Mais cessons là ces détails sordides (tu es peut-être à table et je n'aimerais pas que mes histoires bloquent ta digestion). L'important c'est d'être parvenue à sortir de ce faux pas sans en garder de séquelles. Bien évidemment, aucun être providentiel ne s'est présenté pour m'apporter une tisane au lit mais un savant usage de la technologie m'a permis de dépasser cet épisode déplaisant : j'ai été virtuellement accompagnée par ma famille au grand complet dans la quête de la bassine et de la tisane. Ils m'ont encouragée comme si j'accomplissais la dernière étape d'une transatlantique en solitaire et qu'il ne me restait plus que quelques mètres pour atteindre la côte. Vu leur enthousiasme, il aurait été extrêmement malvenu de ma part de leur vomir dessus, d'autant plus que c'est mon iPhone qui aurait tout pris.
Mais pourquoi te dis-je tout cela, ami lecteur, toi qui justement profite de ce bel été pour te reposer et profiter pleinement de chaque minute de farniente en attendant l'Happy Hour et sa farandole de cocktails ? D'une part, pour te mettre en garde contre les dangers de l'alcool (même si l'état dans lequel j'étais n'a strictement rien à voir avec une consommation abusive de cocktails)(des années d'alcoolisme mondain ont fait de moi une légende)(c'est d'ailleurs comme ça qu'on m'appelle dans le métier : " la légende "). D'autre part, pour t'inviter à aller au bout de tes envies du moment, jusqu'à ce que tu sentes qu'elles sont caduques et qu'il est temps de passer à autre chose. Je ne peux pas croire qu'après trois semaines à entasser des pâtés de sable, à te contorsionner pour trouver une position confortable pour lire sur la plage, à te déformer les orteils à force de porter des tongs, à rôtir au soleil quatre heures côté pile puis côté face (fais gaffe quand même, tu feras moins le malin avec un mélanome), tu n'aies pas hâte de renouer avec le dynamisme de la vie active, la vivacité des couloirs de métro, le frisson du défi à relever, le sentiment du devoir accompli et surtout, le confort d'une paire de chaussettes. Alors profitons-en (chacun à notre façon). Il n'y a que comme ça qu'on sera convaincu d'être content de retourner au turbin en septembre.