Faisant suite au livre d'Elise Fischer "Les confessions d'Adrien' voici une explication sommaire sur les images d'Epinal
Les images d’Epinal sont des images populaires naïves de couleurs vives qui servaient à transmettre d’abord une éducation religieuse, à transmettre une ferveur envers les Saints avant de se laïciser. Elles ont été un outil d’éducation pour les enfants en créant des images ayant trait à la littérature traditionnelle, à la diffusion de la morale mais aussi sous forme de théâtre en papier à conter des historiettes ou encore d’images à colorier, de devinettes, poupées à habiller… Puis vinrent les portraits de Napoléon Bonaparte, de ses généraux, de tous les prestigieux corps des armées impériales en soldats de papier, les illustrations des grandes batailles… Mais elles ont aussi servi à diffuser des chansons populaires, des légendes voire des pamphlets.Du XVIIIème siècle jusqu’au début du 20ème siècle, les images d’Epinal ont anticipé le rôle que tient la presse aujourd’hui : outre la transmission du savoir, elles illustraient tous les événements politiques. C’étaient des colporteurs, ou chamagnons, qui les diffusaient un peu partout en Europe et bien sûr en France et qui alimentaient un réseau de boutique spécialisée.
Ces images ont fait la notoriété de la ville d’Epinal dans les Vosges depuis plus de 300 ans grâce à deux imagiers : Jean-Charles Pellerin et Pinot que la concurrence a rendu particulièrement inventif. Les imagiers étaient les principaux employeurs des Vosges puisqu’ils étaient à la fois éditeurs, imprimeurs, créateurs, libraire. Au début de l’aventure, les images étaient gravées sur du bois, puis on passa au métal pour finir par la pierre. L’évolution technologique est passée par là : de la xylographie (gravure sur bois fruitier, à la lithographie (sur la pierre).
La technique des images d’Epinal a fait des émules dans toute l’Europe avec la création de nombreuses imageries.
La percée de la photographie, l’arrivée de la radio, du cinéma… ont condamné l’image d’Epinal à un folklore local. Et pourtant la fabrique Pellerin existe toujours. Elle poursuit l’incroyable aventure de l’image d’Epinal, soutenue par des auteurs de BD célèbres.
Le vrai portrait du Juif errant, complainte nouvelle (sur un air de chasse) (image d’Epinal de la maison Pellerin)
Est-il rien sur la terre
Qui soit plus surprenant
Que la grande misère
Du pauvre Juif errant
Que son sort malheureux
Paraît triste et fâcheux !
Un jour, près de la ville
De Bruxelles en Brabant,
Des bourgeois fort dociles
L’accostèrent en passant.
Jamais ils n’avaient vu
Un homme si barbu.
Son habit tout difforme
Et très mal arrangé
Leur fit croire que cet homme
Etait fort étranger,
Portant, comme ouvrier,
Devant lui un tablier.
On lui dit : Bonjour, maître,
De grâce accordez-nous
La satisfaction d’être
Un moment avec vous !
Ne nous refusez pas,
Retardez un peu vos pas !
Messieurs, je vous proteste
Que j’ai bien du malheur ;
Jamais je ne m’arrête !
Ni ici, ni ailleurs
Par beau ou mauvais temps,
Je marche incessamment.
Entrez dans cette auberge,
Vénérable vieillard ;
D’un pot de bière fraîche
Vous prendrez votre part ;
Nous vous régalerons
Le mieux que nous pourrons.
J’accepterais de boire
Deux coups avec ous ;
Mais je ne puis m’asseoir,
Je dois rester debout.
Je suis en vérité
Confus de vos bontés.
De savoir votre âge
Nous serions curieux ;
A voir votre visage
Vous paraissez fort vieux ;
Vous avez bien cent ans,
Vous montrez bien autant.
La vieillesse me gêne,
J’ai bien dix-huit cents ans,
Chose sûre et certaines,
Je passe encore douze ans ;
J’avais douze ans passés
Quand Jésus-Christ est né.
N’êtes-vous point cet homme
De qui l’on parle tant,
Que l’Ecriture nomme
Isaac, le Juif errant
De grâce dites-nous
Si c’est sûrement vous.
Isaac Laquede
Pour nom me fut donné,
Né à Jérusalem,
Ville bien renommée ;
Oui, c’est moi, mes enfants,
Qui suis le Juif errant.
Juste ciel, que ma ronde
Est pénible pour moi !
Je fais le tour du monde
Pour cinquième fois :
Chacun meurt à son tour,
Et moi je vis toujours.
Je traverse les mers,
Les rivières et les ruisseaux,
Les forêts et les déserts,
Les montagnes, les coteaux,
Les plaines et les vallons,
Tous chemins me sont bons.
J’ai vu dedans l’Europe,
Ainsi que dans l’Asie,
Des batailles et des chocs
Qui coûteraient bien des vies ;
Je les ai traversés
Sans y être blessé.
J’ai vu dans l’Amérique,
C’est une vérité,
Ainsi que dans l’Afrique,
Grande mortalité :
La mort ne me peut rien,
Je m’en aperçois bien.
Je n’ai point de ressource
En maison ni en bien,
J’ai cinq sous dans ma bourse,
Voilà tout mon moyen,
En tout lieu, en tout temps,
J’en ai toujours autant.
Nous pensions être un songe
Le récit de vos maux,
Nous traitions de mensonges
Tous vos plus grands travaux :
Aujourd’hui nous voyons
Que nous nous méprenions.
Vous étiez donc coupable
De quelque grand péché,
Pour que Dieu tout aimable,
Vous eût tant affligé :
De cette punition.
C’est ma cruelle audace
Qui cause mon malheur :
Si mon crime s’efface
J’aurai bien du bonheur ;
J’ai traité mon Sauveur
Avec trop de rigueur.
Sur le mont du Calvaire
Jésus portait sa croix ;
Il me dit de bon air,
Passant devant chez moi :
Veux-tu bien, mon ami,
Que je repose ici ?
Moi, brutal et rebelle,
Je lui dis sans raison :
Ote-toi, criminel,
De devant ma maison :
Avance et marche donc,
Car tu me fais affront.
Jésus, la bonté même,
Me dit en soupirant :
Tu marcheras toi-même
Pendant plus de mille ans ;
Le dernier jugement
Finira ton tourment.
De chez moi à l’heure même
Je sortis bien chagrin,
Avec douleur extrême,
E me mis en chemin ;
Dès ce jour-là, je suis
En marche jour et nuit.
Messieurs, le temps me presse,
Adieu la compagnie :
Grâces à vos politesses,
Je vous en remercie.
Je suis trop tourmenté
Quand je suis arrêté.