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Faire un effort de mémoire

Publié le 23 août 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Faire un effort de mémoireÇa sert aussi à ça les vacances : se poser un instant, repenser sereinement aux événements marquants des mois passés afin de mieux apprécier leur enchaînement. S'il y a des raisons logiques qui font qu'aujourd'hui j'en suis là, tâchons de les comprendre de façon à ne pas reproduire indéfiniment le même schéma. Alors, ami lecteur, même si ces dernières semaines j'ai été davantage en cavale qu'en vacances, ce temps de rentrée me semble idéal pour faire le point.

Ce point me semble d'autant plus indiqué que je me suis aperçue qu'il y a des choses qui ne changent pas. Ne nous leurrons pas : il n'y a aucune raison pour que ce qui ne me plaisait pas ou que je n'arrivais pas à faire hier me plaise ou soit à ma portée aujourd'hui. Cette (triste) constatation m'a sautée aux yeux hier soir, alors que je me battais avec une bouteille et un tire-bouchon, à les maudire l'un l'autre quand je ne maudissais pas mes bras d'une faiblesse sans pareille, par la faute desquels je risque à tout moment la déshydratation. (Ami lecteur, je t'entends d'ici te demander si je n'aurais pas des problèmes de boisson : je te rassure sur ce point, il n'en est rien. La preuve : je suis incapable d'ouvrir seule une bouteille quelle qu'elle soit). Le problème s'était déjà proposé l'an dernier et malgré soixante cours supplémentaires de yoga, à faire le poirier en équilibre sur mes avant-bras, je n'y arrive toujours pas. Je pourrais incriminer la bouteille, le tire-bouchon, la société d'embouteillage ou le producteur de vin mais je préfère me dire que ce n'est pas mon truc (d'autant que je n'éprouve aucun plaisir particulier à me taillader les phalanges avec un tire-bouchon) : tant pis, je ne serai pas sommelier, barmaid ou alcoolique. Je n'aurais qu'à me trouver quelqu'un qui me serve d'ouvre-bouteille et avec lequel je serai ravie de trinquer (amis lecteurs, avis aux amateurs).

Eh bien c'est pareil pour le travail. J'avais du mal à supporter les empêcheurs de tourner en rond, l'absence de reconnaissance du mérite et de l'engagement, les luttes de pouvoirs et cette fâcheuse habitude qu'a la plupart des salariés à faire passer son propre avancement avant l'intérêt de sa société. Il n'y a aucune raison que je supporte mieux tout cela aujourd'hui, même après soixante heures supplémentaires de yoga, à méditer silencieusement la tête en bas.

Hier soir, en m'emparant du tire-bouchon, je pensais avec nostalgie au poste que j'avais quitté quelques mois auparavant. On approche du mois de septembre, la fête est finie, disais-je en vissant la mèche dans le liège, et il va bien falloir que je me trouve une situation, un vrai travail, un poste crédible dans un environnement sérieux. J'avais évidemment oublié qu'une fois l'hélice complètement enfoncée dans le bouchon, il me serait impossible de faire levier sur le goulot de la bouteille. J'avais manifestement aussi oublié tous les inconvénients de mon travail passé puisque, imperturbable, dans ce grand moment de nostalgie de ma vie rangée, j'allais jusqu'à me projeter dans un job similaire. Ce n'est qu'une fois la bouteille coincée entre mes jambes, prête à la déboucher d'un geste auguste, que tout m'est revenu clairement en mémoire : à moins de te faire très mal en tirant comme un forçat, tu n'y arriveras pas. Inutile de pousser plus loin la métaphore, ami lecteur. Gageons que ta clairvoyance t'aura permis de comprendre exactement où je veux en venir.

J'ai donc laissé des mains plus expertes que les miennes ouvrir la bouteille récalcitrante - à deux nous en sommes venues à bout - et en sirotant mon verre de vin, j'ai parcouru l'enchaînement des derniers événements : le surinvestissement, le burn-out, la prise de conscience, la décision, la prise de risque, la démission, la transition (et tout ce qu'elle peut apporter de chaos), les jalons posés ça et là en vue d'une réorientation. Il s'agit bel et bien d'un jeu de construction : depuis plusieurs mois, je n'ai fait qu'empiler des cubes les uns sur les autres et la pile commence à devenir sérieusement haute. Chaque cube supplémentaire est de plus en plus difficile à ajouter sans déséquilibrer le tout. Un geste précipité, un cube mal choisi et patatras, tout sera à refaire. Alors mieux vaut prendre son temps, continuer patiemment de consolider cette construction en agissant délicatement et, surtout, en tirant profit des expériences passées pour ne pas retomber sottement dans la situation de départ. Ami lecteur, la vérité est que si on nous a doté d'une mémoire c'est bien pour qu'elle serve à quelque chose, et cette vérité-là, tu constateras que ce n'est même pas au fond de la bouteille que j'ai été la chercher.


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