Je fais rarement des commentaires de l'actualité dans ce blog, mais comme pour l'attentat contre Charlie Hebdo, quand ce monde dans lequel je vis et que j'ai contribué à façonner me révolte trop, je ne peux m'empêcher de faire part à mes quelques lecteurs de mon indignation.
Aujourd'hui, il s'agit à la fois d'indignation, d'inquiétude et de chagrin. Ce petit garçon brun, sur cette plage, pourrait être mon petit garçon. Il est bouleversant de proximité. Il vient m'interpeler dans ma réflexion sur la guerre en Syrie, et plus largement sur ce que la modernité n'a pas réussi à extirper de l'homme parce qu'elle lui est consubstantielle : la violence.
Journaliste, formée à me rendre dans des zones de conflits, je sais garder mes distances par rapport à des enjeux, un parti, une cause ; je sais ne pas m'attacher à ceux ou celles que je rencontre dans ces circonstances, même si j'entretiens des relations parfois chaleureuses avec eux. Je connais le souffle lourd et chaud des bombes, le claquement hargneux des armes automatiques. Il y a des cris qui résonnent à jamais dans mes oreilles. Le silence de ce petit bout de chou dans le léger clapotement des vagues n'en est, pour moi, que plus assourdissant. Il me choque profondément et me bouleverse.
Dans son bateau, il ne savait pas s'il était "migrant" ou "immigré", peu lui importait qu'il devienne "réfugié" ou "demandeur d'asile". Je trouve un peu dommage que l'on dépense tant d'énergie à des questions sémantiques et si peu à trouver une solution d'accueil et, surtout, une résolution à la guerre. Aylan, c'était un bambin de Syrie, grand et beau pays mésopotamien, berceau de la culture occidentale, où furent inventés l'écriture, le calcul...
Tout ce que l'Europe compte comme journaux, médias audiovisuels, réseaux sociaux et autres modes de transmission de l'information bruissent désormais de cet événement photographique. Tout un chacun s'empare de la question des migrants. Il va y avoir une multitude de bonnes réponses aux problèmes et aux souffrances de ces gens et là, franchement, c'est une bonne chose. Personnellement, je regrette de ne pas lire et comprendre l'arabe, car j'aimerais bien savoir ce que M. Bachar al-Assad, chef de l’État syrien, pense de tout cela. Quelle est son analyse d'homme politique ? Je ne parle pas de compassion ni d'émotion ; je ne cherche pas non plus à déterminer les responsabilités et les culpabilités, je dis simplement : OK, nous, on va se bouger un peu pour accueillir les réfugiés mais vous, qu'allez-vous faire pour arrêter ça ?