Le grand retour de Martin Suter avec Montecristo, thriller financier aux personnage très bien campés, sur un thème combien actuel.
Prévoyez quelques heures de lecture non-stop pour le nouveau roman de Martin Suter, que vous ne lâcherez plus après vous y être lancé !
On retrouve en effet, avec Montecristo, le romancier formidable de Small World, premier roman évoquant les vertiges psychiques de la maladie d'Alzheimer, qui a révélé l’auteur en 1998, lequel, depuis lors, a acquis la maestria d’un grand pro de la narration populaire,au bon sens du terme, mais avec des variations d'intensité.
Ainsi, la récente série policière liée à l’inspecteur Allmen ne m’avait pas vraiment convaincu en dépit de ses attraits variés, un peu trop fabriquée à mon goût. Avec Le Cuisinier, déjà, j’avais un peu regretté de ne pas retrouver le vivacité d’observation parfois grinçante des titres précédents, de La Face cachée de la lune au Dernier des Weinfeldt, en passant par Un ami parfait, notamment.
Or Montecristo nous ramène au plus acéré de l'observation des mécanismes sociaux, psychologiques et financiers du monde actuel, dans un roman aux rebondissements constants et aux personnages finement détaillés.
Sur fond de crise financière mondiale, où deux des plus grands établissements bancaires suisses vacillent au bord de l’abîme, non sans impliquer évidemment la Banque nationale elle-même, Martin Suter imagine les séquelles d'une double bavure monumentale, liée d’une part aux actions à hauts risques d’un brillant trader, et d’autres part, à la solution désespérée (et hautement illicite) que les banquiers imaginent afin de combler le trou de plusieurs milliards creusé par les menées de cet aventurier de la finance.
Montecristo est un thriller sans faille, qui revisite la Suisse au-dessus de tout soupçon du camarade Jean Ziegler dans la foulée d’un journaliste vidéaste cachetonnant dans la télé people tout en rêvant de tourner un vrai film dont le scénar s’inspire du roman fameux de Dumas, impliquant un jeune Helvète piégé enThaïlande pour possession de drogue glissée par des tiers dans ses bagages.
Parallèlement, le protagoniste se découvre par hasard en possession de deux billets de 100 francs suisses absolument identiques, qui l’engagent dans une investigation aux implications énormes.
Comme dans les meilleurs romans de Martin Suter, l’intérêt de Montecristo tient à la fois à la rigueur de son observation de plusieurs milieux (ici, la banque, les médias et le cinéma), fondée sur la connaissance et l’expérience de l’auteur (on sait qu’il fut un chroniqueur économique pertinent voire mordant avant de passer au roman), la qualité de sa dramaturgie et la fine psychologie qu’il montre dans le développement de ses personnages, enfin la swisstouch de son univers qui relance les fables d’un Dürrenmatt en plus soft et en plus glamour avec, en l’occurrence, une Marina plus qu’avenante…
Bref, c’est de la toute belle ouvrage que Montecristo, dont l’intrigue se dénoue d’une façon propre à rassurer tout le monde, non sans ironie cinglante…
Martin Suter, Montecristo. Traduit de l’allemand par Olivier Manonni. Christian Bourgois, 337p.