La vague de chaleur et de sécheresse qui a sévi en juillet, avait brûlé la pelouse de mon courtil. Les pluies d’août lui ont redonné sa verdeur printanière. Mais saura-t-elle toujours aussi bien résister aux attaques du réchauffement climatique ? Nul ne peut plus l’ignorer aujourd’hui, sauf à ne jamais allumer son poste de télévision ou de radio et à ne lire aucun journal, que le sauvetage de la planète est devenu au fil des mois une affaire d’État. Loin devant le chômage, la précarité, l’immigration, le terrorisme et l’augmentation des taxes. Sauvons d’abord la Terre victime de l’agression des hommes et du CO2 réunis ! On verra bien après s’il nous reste encore quelque énergie éolienne pour chauffer au cœur de l’hiver les rares locaux d’accueil des sans-logis. Les pythonisses ont investi les écrans et les pages de nos quotidiens : le réchauffement affecte déjà et affectera de plus en plus nos modes de vie. Certes, les cassandres nous avaient prévenus. Pourtant, combien parmi les milliers de congés payés qui ont plongé cet été leurs doigts de pieds dans l’océan avaient réellement conscience de participer ainsi à ce fameux réchauffement ? Ils avaient déjà envoyé dans les airs pollués des tonnes de CO2 grâce à leurs voitures grandes consommatrices d’énergie fossile roulant sur les vastes rubans d’asphalte des autoroutes réfléchissant la chaleur sans compter. Ils avaient vidé les bassins de retenue d’eau des barrages et obligé les centrales nucléaires à tourner à plein régime pour alimenter en électricité les climatiseurs, ventilateurs et autres congélateurs à glaçons. Ils avaient hanté les discothèques pour danser jusqu’au lever du jour, dégageant ainsi un surplus de chaleur qui empêchait l’air du petit matin de se rafraîchir comme il se doit. Et voici qu’après avoir lézardé plusieurs heures au soleil de l’après-midi, ils ont, sans la moindre considération pour les bouleversements climatiques futurs, plongé leur corps brûlant dans des vagues sagement cantonnées à des 21 ou 22°. Augmentant ainsi de plus de 3° la chaleur moyenne du littoral et, dans une moindre mesure, celle de la haute mer. Il ne faudra pas s’étonner ensuite si les coraux des tropiques continuent de mourir, si la morue se fait toujours aussi rare à Terre-Neuve et si les admirateurs des neiges éternelles du Kilimandjaro s’en repartent chez eux définitivement bredouilles. Selon les experts les plus qualifiés et les scientifiques les plus avertis, l’océan serait le véritable organisateur du climat. Non seulement il fait la pluie et le beau temps sur les continents, mais il emmagasine le froid dans ses profondeurs abyssales, le réchauffe délicatement en surface et le renvoie dans l’atmosphère. On sait ainsi qu’après avoir caressé les tropiques, le Gulf-Stream s’en vient frôler Saint-Jean-de-Luz, le Cap Ferret, l’ile aux Moines et Barneville-Carteret, leur abandonnant au passage un peu de sa tiédeur. Mais tous les courants ne sont pas aussi sympathiques. Le moindre éternuement de El Niño et de sa petite sœur La Niña a des effets climatiques et thermiques considérables à l’échelle de la planète et perturbe encore un peu plus les saisons. Sans oublier qu’en se réchauffant, l’eau se dilate. La plus ignare des petites bonnes le constate facilement lorsque l’eau pour le thé s’enfuit par le goulot de la bouilloire si, par distraction, elle la laisse monter à ébullition. C’est pourquoi il ne faudra pas là non plus s’étonner si nos plus belles plages se voient un jour englouties sous les eaux. Transformant de magnifiques campings douze étoiles en de nouvelles villes d’Ys. Cependant, avant de se précipiter chez le quincailler du coin de la rue afin de lui acheter un équipement de scaphandrier, il conviendra de ne pas oublier que les chemins du futur sont toujours imprévisibles. Ce qui nous laisse encore bien des choses à penser.
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