Les oiseaux se rebiffent.

Publié le 15 septembre 2015 par Rolandbosquet

     Chaque jour, autant qu’il m’est possible, je réserve scrupuleusement une visite matutinale à mes chèvres naines pour leur donner les dernières nouvelles et leur friandise. J’observe ce matin le manège d’un groupe de choucas échappés du clocher de l’église. Ils décrivent en grand vacarme de larges cercles au-dessus du bosquet situé en contre-bas de mon courtil. Qu’ont-ils aperçu ? Le cadavre d’un renardeau échappé du terrier ? Un lapin aventureux pris dans un collet ? Un jeune marcassin malade abandonné par sa harde ? Une compagnie de perdreaux en errance ? Une famille de faisans rescapés de l’ouverture de la chasse ? Et pourquoi pas un bûcheron méditant quelque mauvais coup contre les rares châtaigniers épargnés par la précédente coupe ? On a signalé, cet été, des attaques répétées de goélands contre des vacanciers cherchant un peu de soleil sur les côtes des Cornouailles britanniques. Ils auraient agressé un petit cousin du roquet de madame Hidalgo, des tortues domestiques, un chat errant maigre comme un jour sans pain et des étourneaux trop bruyants. Une sexagénaire a même confié au Guardian avoir été victime ainsi qu’un enfant de quatre ans de leurs assauts farouches. Les oiseaux de Hitchcock auraient-ils émigré, eux aussi, jusqu’en Grande Bretagne ? Georges Orwell nous a raconté dans "La ferme des animaux" l’histoire des cochons en chef, Snowball et Napoléon, qui se rebellent contre leur paysan. La réalité semble aujourd’hui se rapprocher de la fiction. Les requins tueurs de la Réunion, d’Australie ou de Floride défendent leurs eaux sauvages envahies par les véliplanchistes. Les rossinantes n’hésitent plus à estropier d’une traîtresse ruade leurs odieux soigneurs. Au cœur même de l’arène, le taureau embroche gaillardement le toréro qui l’écharpe férocement avec ses brandilles. Le rockweiler mord l’enfant qui lui tire les oreilles ou le passant trop coquet qui a inondé ses joues d’une lotion après rasage bon marché. Les fourmis bulldogs dévoreraient le chercheur d’or imprudent s’attaquant à leur nid. La mouche tsé-tsé endort le travailleur avant même l’heure de sa sieste. Le chikungunya le recroqueville. Des anophèles femelles infectent son foie du mortel plasmodium falciparum. Les animaux se mobiliseraient-ils pour protéger leur planète contre l’envahisseur humain ? Celui-ci ne tente-t-il pas  de les éradiquer par tous les moyens de la surface de la terre ! Combien de rhinocéros et d’éléphants ont-ils été massacrés pour les vertus soi-disant aphrodisiaques de leurs cornes ou de leurs défenses ? Combien d’abeilles meurent-elles à l’entrée de leur ruche après avoir joyeusement butiné sur des fleurs infectées par les pesticides ? Combien de lombrics, de lucanes cerf-volant, de scarabées, de taupins, de hannetons et de bousiers sont-ils exterminés par les apports excessifs d’engrais azotés ? Combien de lézards, d’orvets, d’anoures, d’urodèles ou de lépidoptères sont-ils empoisonnés par les herbicides ? Combien de cadavres de grenouilles, de crapauds, de couleuvres jonchent-ils les rives de nos ruisseaux infectés ? L’homme s’acharne à détruire la nature qui le nourrit. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de voir les animaux se révolter contre ce prédateur invétéré, inconscient des périls qui menacent la survie de tous. On savait déjà, et comment l’ignorer, que le climat se rebiffe contre l’attaque du fameux CO2. En se réchauffant, il prépare un nouveau déluge qui pourrait submerger nos côtes, remonter les fleuves et engloutir nos villes sous des coulées de boues. Certes les Noé veillent. Ils vont se réunir bientôt dans l’espoir de ne rien décider de trop contraignant pour leurs industries et leurs commerces. Mais c’est oublier que les chemins du futur sont imprévisibles. Ce qui laisse encore bien des choses à penser. (Merci à Loulou le filou de m’avoir inspiré cette chronique)

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