« Kendokei » de Julien Péluchon

Publié le 16 septembre 2015 par Legraoully @LeGraoullyOff

Ça ressemble fort au scénario d’un blockbuster hollywoodien : un jeune homme est initié par un très vieux et très sage grand maître à un vieille technique de combat japonaise qui, comme tout sport de baston qui ne veut pas avoir l’air trop con, repose sur une sagesse millénaire ; il finit par devenir maître à son tour au point, mettant à profit sa dextérité pour combattre le mal et rendre la justice dans une grande ville sous l’identité d’un super-justicier masqué, tout en transmettant son savoir à son disciple. Vous vous dites probablement que vous avez déjà vu ce type d’histoire mille fois partout ailleurs, n’est-ce pas ?

Seulement, il y a un hic : sur le berceau de Donald Leblond, le héros du livre dont je vous parle depuis déjà la bagatelle de 742 caractères (espaces compris) s’est penchée une fée particulièrement déjantée, en l’occurrence l’imagination fertile de Julien Péluchon, dont je vous avais déjà présenté Pop et Kok, improbable roman d’anticipation où deux cornichons s’obstinent dans leurs ambitions de self-made-men dans un monde ravagé par un cataclysme faisant passer Tchernobyl et Fukushima réunis pour un simple début d’incendie. On ne pouvait donc pas s’attendre à ce que Kendokei flatte les clichés dans le sens du poil et, de fait, même si le troisième roman de Julien Péluchon ne se résume pas à la parodie, il n’empêche que le maître tient plus de l’escroc que du vieux sage, que l’art martial qu’il enseigne, censément inventé par un japonais converti au christianisme ayant combattu avec l’Armada espagnol, est une grosse arnaque, que le héros, drogué, poivrot chômeur et père indigne, rappelle davantage un punk à chien que Bruce Wayne, que son armure de scarabée géant part en lambeaux au fur et à mesure qu’il « combat » le mal en faisant davantage de victimes innocentes que les bandits qu’il prétend pourchasser.

Pour résumer, Julien Péluchon, maîtrisant désormais parfaitement son écriture concise et efficace, s’affirme avec ce troisième roman comme un romancier unique en son genre, aux ressources imaginatives pour ainsi dire illimitées, capable de captiver son lecteur avec des histoires jamais lues ailleurs tout en le troublant suffisamment pour mieux le surprendre au dernier moment. Si la fin n’est pas très gaie, la tonalité n’est jamais funèbre et on ne s’ennuie jamais. Vous l’avez compris, ce garçon-là, je l’aime bien.

Julien Péluchon, Kendokei, éd. du Seuil, coll. Fiction & Cie, 16,50 €

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