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« Père » de Strindberg, à la Comédie française

Publié le 28 septembre 2015 par Stella
Michel Vuillermoz, le capitaine et Anne Kessler (Laura) sur la scène de la Comédie française

Michel Vuillermoz, le capitaine et Anne Kessler (Laura) sur la scène de la Comédie française

L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est le couple. Pis : selon August Strindberg, c'est "elle" encore bien plus que "lui". C'est en tout cas ce que tend à démontrer "Père", une pièce écrite en 1887 par cet auteur majeur pour le théâtre contemporain. Mise en scène par Arnaud Desplechin, cinéaste réalisateur de films comme "Trois souvenirs de ma jeunesse", ou encore "Jimmy P." très axés sur le psychisme des personnages, elle est littéralement portée sur la scène de la Comédie française par Michel Vuillermoz, formidable dans le rôle du Capitaine.

Le thème central de "Père", c'est la lutte à mort entre ce capitaine, Adolphe, vieux soldat devenu scientifique et son épouse Laura. Une guerre sournoise où tous les coups sont permis, et dans laquelle la femme se révèle bien plus cruelle par sa perfidie que l'homme, dont la force n'est qu'apparente. La dispute dans laquelle le public fait irruption concerne l'éducation de leur fille, Bertha, une brindille de 17 ans qui adore son papa mais est fondamentalement, en tant que femme en devenir, aussi fourbe et traîtresse que sa mère. Alors qu’elle est d’accord avec le capitaine sur son propre avenir, un mélange d’aveuglement, de faiblesse et d’un rien de veulerie la fait exprimer exactement le sentiment contraire. Le genre prime sur la raison, expose cyniquement Strindberg. Il en est de même pour la gouvernante, douce mamie aux cheveux gris, qui abusera de la tendresse inconditionnelle que lui porte Adolphe pour lui passer la fatale camisole de force. Trahisons, mensonges, duplicité, manipulations… les femmes « prennent cher », comme disent les d’jeunes !

Michel Vuillermoz campe un remarquable capitaine, une force de la nature, mais fragile… si fragile…Sa fêlure, traduite par le doute qui l’assaille quant à sa paternité, est ontologique : il est né homme et non femme et son épouse le lui signifie : « je suis la plus forte… je suis supérieure à toi… tu n’as pas cru à mon intelligence et tu as perdu », lui susurre-t-elle, alors même qu’il croit encore être le vainqueur de ce mortel combat. On pourra regretter que Laura, une Anne Kessler frêle comme un roseau qui plie sans jamais se briser, pleurniche son texte pendant les deux derniers tiers de la pièce. C’est finalement un peu agaçant.

Quoi qu’il en soit, c’est un excellent spectacle où tout, lumières, décors, vêtements, est au service des interprètes et du texte. Magnifique.

Jusqu'au 4 janvier 2015, Comédie française, salle Richelieu, 20 h 30 (www.comedie-francaise.fr)


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