Synesthésie imaginaire

Publié le 28 septembre 2015 par Sharlen @Sharlen_Phileas

Il y a ces drôles de personnes dans la rue.

Un homme assis sur une boite à musique, une basse à la main.
Une femme sur un tapis, vêtue d’une sorte de pyjama intégral.
Pendant que lui joue des sons, elle, elle se dandine dans tous les sens. Sans aucun tabou, sans aucune gêne. Elle met en scène chaque bruit, donne une image, un mouvement à chaque sonorité. Elle soulève sa jambe, la baisse, lève son bras droit puis fait trembler ses autres membres dans tous les sens.

Cette performance onirique me transporte totalement, j’imagine des Do rouges, des La violets, des Fa oranges. Les sons se mettent à la queueleuleu, ils se lancent d’une même voix dans la Macarena puis enchainent sur la Danse des canards, mimant inlassablement leur chef d’orchestre en pyjama. C’est ce moment là que choisie l’homme pour entrer dans un solo de basse endiablé, il rentre en transe, et sa marionnette humaine commence à repeindre la rue avec des pinceaux imaginaires. C’est bientôt tous les éléments extérieurs qui se mettent à bouger, les lampadaires, les bouches d’égout, d’incendie, les passages piétons… Ils se balancent des pigments à la gueule et on dirait une bataille de sons et couleurs.

La femme s’enlise, ses membres ne lui obéissent plus, elle semble prise de spasmes, chaque main, pied, doigt, coude réagit indépendamment des autres.
Cette scène est extraordinaire, les gens crient, ils rigolent, ils encouragent ces artistes fous  mais petit à petit, le bassiste se calme, les couleurs rebondissent moins vite.
La danseuse en pyjama s’accroupie, elle s’assoit, elle se calme, les sons arrêtent de courir autour d’elle, elle s’allonge et se plonge dans l’immobilité.
Il ne reste alors qu’une unique chose, une douce respiration, seule preuve de cette danse – performance synesthésique et imaginaire.