Magazine Journal intime

Nostalgiques des goulags

Publié le 08 juin 2008 par Gilles Poirier

C’est surprenant de voir un chauffeur de bus afficher fièrement sur le pare-brise une photo de Staline comme ange gardien et d’en parler avec tant de passion, malgré (ou justement peut-être parce-que) qu’il ne soit pas contemporain à celui-ci. En fait, la conversation avait lieu entre lui et un collègue allemand de l’est (Osie) qui parle le russe, et comme celui-ci allumait un cigare au pied du bus, le chauffeur s’est mis à le comparer à Staline, montrant la photo et partant dans une diatribe en russe sur les bienfaits de l’ancien père de la nation. Je ne comprends rien au russe, mais j’ai compris Hitler et Stalingrad et je voyais aux gestes qu’il vouait une grande admiration envers l’homme. Puis renseignements pris auprès de l’allemand, celui-ci me confirme que le chauffeur attend avec impatience l’arrivée d’un autre Staline. Je ne sais pas si c’est le fait d’un simple chauffeur de bus ou si la société Kazakh qui est à ce point désespérée pour espérer l’arrivée d’un tel homme providence. Mais il y a bien en France des gens regrettant l’abolition de la peine de mort, souhaitant le rapatriement à la frontière de tout être n’ayant pas les mêmes origines que lui (et parfois même de tous ceux n’étant pas originaire du même village) ou regrettant l’absence de guerre pour régler les problèmes de la société, pourquoi après tout, ici n’y aurait il pas un nostalgique des goulags et des exécutions sommaires. Ou alors peut-être que nous avons été, sans nous en rendre compte conditionné dans notre société capitaliste à rejeter en bloc tout ce qui rappelle le stalinisme en faisant de cet homme du passé, l’icône de tout ce qu’il y a de plus vil et la cause de tous les maux de l’ancien monde communiste, car quand je demande au même allemand (ex allemand de l’est), ce qu’il pense de cette période passée derrière le mur de Berlin, il me dit lui aussi qu’il la regrette, et j’ai beau avancer comme argument la démocratie et la liberté de penser ou d’écrire, rien y fait, pour lui, notre société est pire que celle qui a disparue à la chute du mur.


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