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Air France : le Fiasco des corporatistes

Publié le 14 octobre 2015 par Observatoiredumensonge

Par Hervé Azoulay

air france

Air France vient de donner une image désastreuse du climat social en France! Le monde découvre l’exception française! Le citoyen français est hélas habitué aux conflits sociaux, lorsque ce n’est pas les pilotes d’Air France qui font grève, ce sont les contrôleurs du ciel ou la SNCF, la RATP, la POSTE…Comment peut- on accepter que ces 1% de la population salarié cumule 25% des jours de grève en France à cause de certains syndicats totalitaires refusant le changement. Un rapport confidentiel de juin 2010, rédigé par Corinne Desforges pour le Ministre de la fonction publique, a évalué que l’État et les collectivités locales verseraient près de 250 euros par fonctionnaire aux syndicats, soit plus d’un milliard d’euros. Encore une exception française que nos voisins européens n’ont pas imitée. Dans ces pays le montant des cotisations représente de 80% à 90% des recettes totales des syndicats, contre 20% en moyenne en France. En plus nos syndicats ne sont plus représentatifs avec à peine 8% de taux de syndicalisation en moyenne (chiffre divisé par deux en 25 ans) et 5% de taux de syndicalisation dans le privé. Ils ne sont pas non plus transparents sur leurs comptes et devraient les publier comme pour les syndicats privés ! Or, deux inconnues de taille subsistent toujours en termes de financement public : à combien se montent les subventions de l’état aux syndicats et combien de fonctionnaires sont mis à disposition des centrales syndicales ? La Fondation IFRAP évalue à deux fonctionnaires sur 1000 mis à disposition des centrales syndicales soit environ 14 000 personnes pour 7 millions de fonctionnaires. Toute cette force de frappe pour freiner le changement !

En France, les grèves, les barrages, précèdent toujours les négociations, c’est la faiblesse des hommes politiques de droite comme de gauche qui ne savent que ménager la chèvre et le chou. C’est par la négociation constructive que nous sortirons de cette société bloquée que le maintien des avantages acquis illustre si bien. Ces acquis ont été le compromis social qui était justifié à l’époque, mais maintenant il nous faut trouver de nouveaux compromis. La rue prend la parole parce qu’elle n’a pas eu les moyens de s’exprimer autrement, faute de l’énorme déficit d’explication, de dialogue, de concertation. La rue prend la parole parce que les français se sentent mal représentés et quand le dialogue n’existe plus, ce sont toujours les intérêts corporatistes et catégoriels qui l’emportent.

Les nationalisations de 1981 ont permis à l’ENA et aux grands Corps de l’Etat de placer les siens à la tête d’entreprises contrôlées par l’Etat et ce fut le cas pour Air France. Lorsque ces entreprises furent privatisées en 1986 et 1993, ils investissent de nouveaux bastions en prétextant la constitution de noyaux durs d’actionnariat pour se protéger de la concurrence internationale ! Toujours l’intérêt public mis en avant pour accroître ses territoires. Cette élite est omniprésente dans les coulisses du pouvoir et rien ne l’arrête quand elle veut accroître son territoire en multipliant les solidarités de clans. Dès qu’un membre de l’élite est nommé, son premier réflexe n’est pas de mettre en place ses idées, mais d’élargir son territoire. Un des drames de la France c’est qu’on met n’importe qui, même brillant, à n’importe quel poste qu’il n’est pas forcément capable d’assumer ! Un dirigeant très connu a fait quatre métiers en dix ans et probablement aucun de bien. Un sauteur en hauteur bien affiné dans sa discipline ne peut pas lancer le poids, il pourrait le faire, mais mal. On ne peut pas s’improviser dirigeant de toutes sortes d’activités. Ce modèle de parachutage a développé des comportements qui freinent l’innovation et le changement dans notre pays

Pourquoi cette violence à Air France? Même si l’entreprise n’est pas un lieu de démocratie, beaucoup de décisions entraînent un consensus. Même certaines décisions qui n’entraînent pas le consensus sont comprises et acceptées sans violence par la base. Il y a des actes de violences quand on décide de vendre, de céder une entreprise et de licencier, mais en dehors de ces situations extrêmes, le consensus demeure la règle. Mais voilà, la direction générale d’Air France et son conseil d’administration constitué en grande partie d’élite issue de L’ENA et des grands Corps de l’Etat, a sa part de responsabilité. Les dirigeants n’ont pas sus transformer le système humain dans l’entreprise resté trop longtemps figé pour être capable de s’adapter à ce nouveau monde. C’est le rôle des dirigeants qui ne doivent pas se contenter de gérer les relations humaines, mais devront également gérer les relations interculturelles et transformer la résistance aux changements. Ils devront faire preuve de fermeté face à ceux qui ne veulent rien entendre : syndicalistes démagogues et cadres installés dans une rente de situation. Tout ce qui sépare, freine, bloque le changement et les relations entre les hommes et femmes doit « être éliminé d’urgence ».

Mais rien n’y fera, ces hommes géraient l’ordre, balisaient le temps, dressaient des frontières entre les niveaux hiérarchiques, séparaient les cadres des non cadres. Bercés par leurs diplômes et leur rang ils baignent dans un environnement qui ne favorise pas la variété des cultures. Dans le monde de la complexité, il est nécessaire de disposer de managers intuitifs d’origines diverses pour favoriser les différents points de vue. En France, cette élite refuse le changement, fait de l’obstruction à la mutation, du conservatisme, du corporatisme et surtout manque de lucidité et de courage.

L’Etat a également sa part de responsabilité, il doit comprendre que le protectionnisme des chasses gardées conduit à la destruction d’industries devenues obsolètes. Autant dans certains domaines régaliens l’Etat doit impérativement être présent, autant dans la gestion d’Air France il ne doit pas faire le DRH et recevoir les Syndicats de cette entreprise. Cette action incombe à la Direction Générale, ou à la limite au conseil d’administration. Ce conseil doit être un organe de contrôle mais en réalité il ne contrôle rien, cette élite siège évidemment dans plusieurs conseils d’administration, en se répartissant les postes. Entre gens du beau monde, on sait se comprendre et s’entendre pour contourner, biaiser, déformer les textes. Dans une société anonyme, si l’actionnaire, en l’occurrence l’Etat, se comporte en politique, le dirigeant n’a plus d’autonomie. Que l’Etat joue son rôle : nommer ou dénommer le président et approuver la stratégie. Mais ce n’est pas à lui d’entretenir les relations syndicales, faire pression sur l’entreprise et de mener des actions incohérentes sur les nominations. L’Etat est un très mauvais actionnaire et de surcroit un pitoyable gestionnaire. Dès que l’Etat s’en mêle dans tous les domaines, c’est la catastrophe!

L’Etat doit être au service de la nation mais surtout ne pas se prendre pour la nation ! La peur des manifestations et l’absence de dialogue semblent interdire toute réforme. Dès qu’une réforme est proposée, elle est immédiatement étouffée par de puissants lobbies ou par d’obscures querelles intestines mêlées à des rivalités de carrière. Le cybermonde court-circuite les modèles traditionnels, connecte les cultures et les économies, alors que, pendant ce temps, les hiérarchies formelles de nos institutions, qui sont rarement de réelles hiérarchies de compétences, verrouillent jalousement le système qui leur échappe en fabriquant toujours plus de règlements. Certes, les institutions sont nécessaires quand on les utilise en garde-fous mais si on les utilise en barrières infranchissables, elles deviennent nuisibles. D’autant plus que bien souvent, elles décident sans écouter ou, au mieux, elles écoutent sans décider.

Et le personnel dans tout cela! Il trinque à cause de la cécité de ses dirigeants appartenant à une caste, dont la vision est découplée de la réalité de l’évolution économique mondiale.

Hervé Azoulay

Azoulay

Hervé AZOULAY a été dirigeant dans de grands groupes internationaux, co-fondateur de plusieurs entreprises innovantes, Business Angel, fondateur d’un des premiers réseaux de Business Angels en France, Président d’un fonds d’investissement, intervenant dans de grandes écoles et à l’université en France et à l’étranger, auteur de nombreux ouvrages et de tribunes dans la Presse.

*** Attention ce texte est une TRIBUNE LIBRE qui n’engage que son auteur ***

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