Mes pieds sont collés au sol et je n’arrive pas à m’envoler.
A l’intérieur de moi, j’entends mon cœur qui gronde, on dirait une fête foraine pour âmes égarées.
Je suis en haut d’un Grand Huit, le wagon dans lequel je me suis installée ne cesse de monter mais la chute ne vient pas… Mentalement, j’essais de mettre de l’ordre, de réparer ce qui est cassé, de soigner mes hématomes au niveau des synapses.
Il faut dire qu’avec le temps j’ai crée un sacret bordel en moi et dégoter les pièces d’origines qui avait constitué mon primo-corps se révèle bien moins évident que je ne le pensais. Retrouver les sensations et les émotions primaires pour apprendre à la réguler. C’est un peu comme allumer un robinet sur lequel on ne pourrait régler ni le thermostat ni la pression de l’eau. Tout nous arrive à la gueule sans pouvoir rien éviter.
Avec ma mécanicienne personnelle, ont a pourtant réussi à remettre en état de marche la mécanique principale de mon corps. On a recollé un par un tous les bouts de mon cœurs, et maintenant je peux entendre battre. Il est un peu irrégulier mais c’est toujours mieux que rien.
J’apprends à le domestiquer, mais j’ai encore du mal à me passer de ma coquille, je l’avais tellement bien aménagée, elle était solide et confortable, à coté d’elle mon cœur ressemble à un vieil oreiller poussiéreux et éventré.
Une fois que je serais à l’aise avec lui, je pourrais entamer la descente des Montagnes Russes. Démêler mes nœuds-ronnes et leur donner un coup d’antirouille pour qu’ils puissent ainsi retravailler ensemble sans s’envoyer bouler à tout bout de champ. Je sais que pour le moment mon cerveau ressemble davantage à une patinoire pour hérissons accros aux Pimousses qu’à un bureau de contrôle général. Les mammifères sont tellement surexcités par leur dose de sucre, qu’ils passent leur temps à venir s’éclater les piques contre les parois de mon crâne. Avec le temps, ils devront apprendre à gérer leur addiction et à jouer en équipe. Je suis sure qu’ils pourront alors faire de très belles parties de hockey sur glace, même avec plusieurs palets.
En attendant, je profite de mon temps libres, j’essaye de m’y retrouver, toujours en partant du cœur, je donne des coups de pinceaux, des coups de tournevis et je deviens un véritable funambule tentant de trouver un équilibre sur un fil toujours plus fin.
[La photo est un morceau de l’installation « Amusement Park » de Hans Op De Beeck]