La prise de la Bastille
Ce qui est hasard à l'égard des hommes est dessein à l'égard de Dieu
(Bossuet, La Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte)
Les journaux avaient annoncé la réhabilitation de la place de la Bastille , mais la réalité dépassait de loin ce qu’avait imaginé Marie.
Le carrefour n’était qu’un vaste chantier et la pluie, qui ruisselait dans la panse des caniveaux, giclait sur les trottoirs disloqués. Aucune voiture ne circulait plus et les rares promeneurs s’éteignaient aussi vite qu’ils surgissaient. La clameur de Paris, sourde, froissait les arbres et barbotait dans la Seine. Marie ne savait pas encore, alors qu’elle grommelait sous l’averse, ce qui l’attendait ce soir-là. Toute à la joie d’assister au Couronnement de Poppée, elle marchait d’un pas rapide. Quand une lueur rouge entra furtivement dans son champ de vision, elle n’y prêta aucune attention. Ce fut l’énorme bétonneuse, qui stationnait tous feux éteints à l’entrée de l’Opéra Bastille, la pelle enterrée dans l’épaisse brume, qui la tira de ses méditations.