Un point c’est tout. n°30, 8/11/2015

Publié le 08 novembre 2015 par Legraoully @LeGraoullyOff

Point culturel : Voilà bientôt deux semaines que je suis docteur en philosophie et je n’ai pas le sentiment, malgré le chemin parcouru d’être devenu un « intellectuel » ; je veux dire que je n’arrive toujours pas, par exemple, à m’extasier devant les œuvres qui recueillent de bonnes critiques dans Télérama, que je préférerai toujours me repasser un bon dessin animé avec Astérix ou Lucky Luke plutôt que devoir me farcir le dernier Lelouch, que je préfère me marrer avec les Bidochon plutôt que me taper un sermon dessiné du rabbin Sfar ; en fait, plus ça va, plus je me dis que les vrais grands artistes sont le plus souvent les créateurs qui ne se prennent pas au sérieux, n’ont pas la prétention de révolutionner leur pratique et se contentent de voir le monde comme un gigantesque terrain de jeu. Le XXe siècle a été riche en couillonnades artistiques de pseudo-génies incompris : ceux-ci avaient reçu une formation de critiques qui leur permettaient de décoder en formules logiques les œuvres qui avaient marqué l’histoire de l’art et, aveuglés par cette formation, ils ont fini par oublier que les créateurs les ayant précédés s’étaient fort bien passés de telles formules pour créer ; résultat, ils ont pondu des discours pseudo-philosophiques calqués sur ceux qu’ils déployaient pour analyser les œuvres existantes et ils sont partis de cette base pour leurs propres œuvres qui, par là-même, se trouvaient dénuées de toute sensibilité ! Et tout refus d’adhérer à ces soi-disant chefs-d’œuvre était bien entendu interprété comme une marque d’obscurantisme culturel… Du passé ? Pas tant que ça : je me suis moi-même fait traiter de « réac » parce que je trouvais ridicule l’installation d’un gazier qui trouvait amusant de déclamer les annonces du métro parisien… Mais trente ans après, que reste-t-il des pantalonnades de ces cuistres ? À peu près rien si ce n’est la quasi-certitude que les farceurs de l’OuLiPo ont bien plu fait pour le renouvellement de la littérature que les branlettes intellectuelles du « nouveau roman » et que les dessinateurs flibustiers de Hara-Kiri furent de bien plus dignes héritiers de Duchamp que les escrocs devant lesquels se sont pâmés tant de snobs et avec lesquels on s’obstine à bourrer le mou des étudiants aux Beaux-arts… Bref, je vous recommande la série « Métropolisson » du photographe Janol Alpin : partir d’un gros délire pour créer un chef-d’œuvre, c’est à ça qu’on reconnaît le talent !

Voici un petit exemple ; cliquez sur l’image pour découvrir toute la série.

Point politique : Plus ça va et moins je parle de politique ; c’est normal, ce sujet me dégoûte de plus en plus. Mais le pire, c’est que ce ne sont même pas les élus, dont je n’attends rien, qui me désespèrent le plus, mais plutôt leurs électeurs. Ils n’arrêtent pas de rouspéter contre la corruption des hommes politiques mais réélisent systématiquement les mêmes crapules, ils se plaignent d’être « abandonnés » mais ne font rien pour s’aider ni même pour faire un tant soit peu plier les décideurs, ils sont toujours prêts à suivre le premier démagogue venu qui leur promet monts et merveilles… Bref, chaque fois que j’ouvre un journal et que j’ai vent de l’opinion de mes concitoyens, je me dis que L’empereur Smith et Le devin de René Goscinny font du scénariste un auteur réaliste !

Point nostalgique : Humoristes d’hier et d’aujourd’hui… Mettez Plantu à la place d’Honoré Daumier, non seulement il n’aurait pas caricaturé Louis-Philippe en Gargantua mais il aurait félicité Sa majesté d’avoir eu le courage de réprimer la révolte des canuts qui prenaient les citoyens en otages. Mettez Kev Adams à la place de Pierre Dac, non seulement il n’aurait pas rejoint le général De Gaulle à Londres mais il se serait affiché avec le maréchal Pétain en assurant que celui-ci était « tip-top-cool ». Mettez Yann Barthès à la place de Coluche, non seulement il n’aurait pas créé les restos du cœur mais il se serait contenté de donner une pièce à un clodo devant ces caméras en faisant la leçon aux téléspectateurs. Mettez Mathieu Madénian à la place de… Heu non, pardon, Madénian, ce n’est pas un bon exemple. Comme quoi tout n’est pas bon à jeter dans notre époque…

Point galactique : Difficile d’échapper au marketing autour du Retour de la force : lundi, je me suis rendu dans un espace culturel Leclerc, on y mettait encore en avant la sortie du dernier Astérix ; j’y suis revenu trois jours plus tard, Le papyrus de César était déjà balayé au profit de l’univers Star Wars ! Même le dernier Fluide Glacial consacre sa une et un important nombre de ses pages à l’épisode 7 de la saga (je n’ose plus écrire « trilogie ») ! Bon, je ne jetterai pas la pierre à notre compatriote lorrain Yan Lindingre et à son équipe, ça leur a donné de la matière à des pages tout à fait savoureuses et, de surcroît, instructives : j’ai beau toujours autant mépriser cette série pour ados attardés, je comprends mieux pourquoi les fans s’arrachent les cheveux ; au début, c’était encore l’œuvre d’un créateur un peu fou mais tout de même doué, c’est devenu ensuite un pur produit marketing et la mainmise de l’empire Disney ne va rien arranger ! La boîte de Mickey & Co, indéfectible gardienne de l’hypocrisie morale de l’Amérique puritaine, a d’ailleurs déjà commencé le massacre en caviardant les six films déjà sortis et en retirant de la vente les effigies de la princesse Leia en bikini et enchaînée sous prétexte de lutte contre le sexisme ! Qui c’est qui va se faire des couilles en or, du coup ? Pardi, ce sont tous les petits malins qui auront eu la présence d’esprit de mettre de côté leurs figurines et qui pourront les revendre à prix d’or ! C’est d’autant plus crétin qu’il faut remettre cette image dans son contexte : elle renvoie, faut-il donc le rappeler, à l’instant où la princesse est prisonnière d’une grosse limace visqueuse et libidineuse, on peut donc considérer que cette scène met en scène ce fantasme de mâle primaire pour mieux le dénoncer ! Bon, j’arrête là, je vais finir par donner l’impression que je défends bec et ongle les fans de Star Wars, ce qui n’est pas le cas : il n’est pas certain que ces derniers perçoivent l’ironie de cette image, d’autant que la plupart d’entre eux ne peuvent que parfaitement s’identifier à une créature obèse et amorphe…

Point musical : Oublions donc ces films pour geeks boutonneux aux cheveux gras et rendons-nous plutôt au cinéma pour assister à la ressortie de Blues Brothers ! On va enfin avoir l’occasion de rire et d’en prendre plein les yeux avec du grand spectacle, ça n’arrive pas souvent ! On peut bien sûr déplorer que Belushi ne soit plus de ce monde, mais gardons nos larmes pour des choses sérieuses. Un point, c’est tout.

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