CAINO CAINO | PROLOGO
Guardami -
Io
con dita di ingegno e di brace
ho appeso al sangue le popolazioni
in navate di gelo
ho spinto rotto e sepolto
gli inermi della terra
ho vinto tante di quelle volte
facilmente ho battuto
ho stretto ho colpito forte
ho atterrito ho acceso
con ira improvvisa
tinto d'un fosco
la primavera di tutti
nel precipizio di un furore senz'argine
impossibile da barricare
ho tinto l'istante d'un sanguigno
somigliante al mio
quando gonfiava vicino a me, in me
uno strano scuro animale
in spinte
dalle profondità
in risalita furibonda
da un ignoto di me
da un buio di me
da oscure regioni dal fondo di me
da un dentro del dentro di me -
sua massa d'ombra gonfiava
gonfiava d'una marea potente
fino al trabocco dal petto
in una peste
in uno sbattere contro altra carne
e mutilarla e penarla
in un silenzio
dove l'ultimo gemito si raggruma
in freddo fratello
e apre un tacere che non smetterà.
Non smetterà di morire
questa vita
che passa da una carne a quell'altra
non smetterà questa bestia
la sua risalita dal petto.
Nasce ora, in questa notte
Un altro più simile a me.
Nasce continuamente.
E io questa notte.
In quest'ora.
Per lui e per me. Ho pietà.
CAINO [deuxième prologue]
Guardami -
Non prometto niente di buono.
Sono messo qui a dirti qualche cosa
che non capisci bene -
Io sono la prima profezia.
La profezia che porto nella carne
è questa : calpesterai ciò che ami.
Molto vicino, intorno
e dentro di te - ciò che ti fa vivo
lo massacrerai.
La profezia è questa :
ti butterai in un agire furioso
fino alla rovina.
Dopo non so. Non so.
Non so cos'altro covi.
Io sono Caino. Non sono l'antenato
non abito un passato favoloso
non sono la pagina di un libro
io non sono il reietto
il primo mal riuscito che s'accantona e si perde
una manovra sbagliata della creazione
io non sono
una patologia malata.
Non sono la favola stantia
di due fratelli nello scenario vuoto
del principio. Io vivo adesso
dentro ogni umano, e lo strattono
fino all'insolenza, fino al delitto
a volte.
Sono il tuo infecondo, il secco, la desolata riva
da cui guardi la terra fertile degli altri,
il loro stare bene e te ne duoli, ti rodi,
la più sterile riva
su cui piombi stremato, a volte.
Sono io il mistero
del male che ti attrae
e con cui ti batti. Sempre.
Mariangela Gualtieri, CAIN Caino, Giulio Einaudi editore, Collezione di teatro 424, 2011, pp. 13-14-15-16.
Regarde-moi
Moi
de mes doigts de génie et de braise
j'ai cloué au sang les populations
dans des nefs de glace
j'ai poussé brisé et enterré
les sans-défense de cette terre
tant et tant de fois j'ai vaincu
facilement j'ai battu
j'ai serré frappé fort
j'ai terrifié enflammé
d'une colère soudaine
teinté de sombre
le printemps de tous
au fond du précipice d'une fureur sans frein
impossible à endiguer
j'ai teinté l'instant d'un sanguin
semblable au mien
lorsque gonflait près de moi, en moi
un étrange un sombre animal
par poussées
venues des profondeurs
par remontées furibondes
venues d'un inconnu de moi
d'une pénombre de moi
d'obscures régions du fond de moi
d'un dedans du dedans de moi -
sa masse d'ombre gonflait
gonflait d'une puissante marée
jusqu'à déborder de ma poitrine
en une peste
cogner contre une autre chair
la mutiler l'affliger
dans un silence
où le dernier gémissement se fige
en un frère froid
et ouvre une heure muette qui ne s'arrêtera pas
Elle n'arrêtera pas de mourir
cette vie
qui passe d'une chair à une autre
elle ne s'arrêtera pas cette bête
sa remontée depuis la poitrine.
Maintenant naît, en cette nuit
un autre plus semblable à moi.
Il naît à chaque instant.
Et moi cette nuit.
En cette heure.
Pour lui, pour moi. J'ai pitié.
CAIN
Regarde-moi -
je ne promets rien de bon.
On m'a mis là pour te dire quelque chose
que tu ne comprends pas bien -
Je suis la première prophétie.
La prophétie que je porte dans ma chair
est celle-ci : tu piétineras ce que tu aimes.
Tout près de toi, autour
et au-dedans - ce qui te rend vivant
tu le massacreras.
La prophétie est celle-ci :
tu agiras avec fureur et précipitation
jusqu'à ta perte.
Après quoi je ne sais pas. Non.
Je ne sais pas ce que tu couves encore.
C'est moi Caïn. Je ne suis pas l'ancêtre
je n'habite pas un passé fabuleux
je ne suis pas la page d'un livre
je ne suis pas le rebut
le premier mal réussi qu'on délaisse et qui se perd
une manœuvre ratée de la création
je ne suis pas
une pathologie malade.
Je ne suis pas la fable avariée
de deux frères dans le décor vide
du commencement. Je vis aujourd'hui
en chaque être humain, et je le bouscule
jusqu'à l'insolence, jusqu'au crime
parfois.
De toi je suis l'infécond, l'aride, le rivage désolé
depuis lequel tu regardes la terre fertile des autres,
leur bien portance dont tu souffres, te ronges
le plus stérile rivage
sur lequel tu t'écroules parfois, éreinté.
C'est moi le mystère
du mal qui t'attire
et avec lequel tu te bats. Toujours.
L e texte ci-dessus est l'aboutissement d'une traduction collective en langue française, entreprise par les étudiantes du master TLEC (Traduction littéraire et édition critique) de l'Université Lyon 2 (Francesca Caiazzo, Sofia Gérard, Marie-Laurentine Bérenger, Alice Wagner). Sous la direction de Marie Fabre (juin 2015).
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NOTE DE MARIE FABRE : Caino est une pièce de Mariangela Gualtieri publiée en 2011 chez Giulio Einaudi editore et encore inédite en France. Elle a été écrite dans le cadre du Teatro Valdoca, fondé par Cesare Ronconi et Mariangela Gualtieri au début des années 1980. Nous proposons ci-dessus le début du " Prologue ", dans une traduction collective faite dans le cadre d'un atelier de traduction pour le master TLEC de l'Université Lyon 2. La meilleure façon de présenter la pièce est sans doute de traduire les premiers paragraphes de la Note de l'auteur qui l'accompagne :
" La partie de la Genèse qui concerne Caïn est changeante, mystérieuse, pleine de silences, suggérant subtilement de possibles dualités : agriculture et transhumance, errance et stabilité, action contemplation, ville et désert, rationalité animalité, elle est en somme pleine d'attractions thématiques.
Je me suis tenue à une certaine distance de la page biblique, loin de toute tentative exégétique, attirée plutôt par le silence qui règne autour de la figure de Caïn et par la puissance de cette icone : il se découpe, tout à fait seul, dans un désert aveuglant, la mine dure, avec un fratricide qui pèse sur ses épaules, la malédiction de la terre, l'éloignement du visage de la divinité. Puis le voilà qui initie, avec la construction de la première ville, les arts noirs de la technologie - rendus noirs surtout par l'égarement de l'éthique qui n'a pas suivi l'immense développement technique.
Il est frappant que celui qui a construit la première ville soit justement un fratricide, un fuyard, un sans dieux. Peut-être que celui qui a écrit la Genèse ressentait la menace d'être actifs et raisonnants et désirants.
La menace de l'intelligence. Mais aussi la force de cette énergie qui nous caractérise : ce n'est pas une dégénération, c'est une énergie en dotation. Nous sommes ainsi faits, avec en nous cette impulsion irrépressible pour l'action, avec en nous cette tempête. Caïn nous ressemble tant : il m'a presque semblé qu'avant nous il était impossible de le comprendre tout à fait. Nous sommes seuls comme lui, nous détruisons la vie en dehors et au-dedans de nous, nous allons désormais sans idée d'un prochain, et nous sommes aussi actifs que lui, loin de tout thème céleste, tous voués à être terrestres.
Parfois, devant la manière dont les choses ne collent pas dans le récit de ce premier né, j'ai pensé que peut-être la substance dont nous sommes faits est d'amour à tel point que si nous ne sommes pas aimés nous devenons difformes. "