Fils de pub au paddock de Gustave Roud

Publié le 19 novembre 2015 par Jlk

 

(Dialogue schizo)

À propos d’une chronique signée Marcel (pseudo connu sur Facebook et à la rédaction de 24 Heures) prenant la défense de Joël Dicker le storyteller genevois et de Bastien Baker le crooner vaudois, contre leurs détracteurs, taxés de « cultureux ». Retour sur le chien Duke du Livre des Baltimore, double probable du Jimmy de Vengeance. Libres propos sur le reportage désopilant consacré par le courriériste mondain Poupette (nom connu sur Facebook et à la rédaction de L’Hebdo) à la présumée gay attitude du poète Gustave Roud.
Moi l’autre : - Alors, que penses-tu de cette chronique de Marcel ?

Moi l’un : - Je la trouve un peu démago, mais pas de quoi fouetter un journaleux.

Moi l’autre : - Tu ne crois pas qu’il vise notre compère JLK en incriminant un critique qui s’en prend à Joël Dicker sur son blog littéraire et sur Facebook ?
Moi l’un : - C’est possible mais JLK s’en fout. Ce n’est pas la première fois qu’on le traite de littérateur raté et l’appellation de cultureux lui va aussi bien que celle de cul-terreux. Tu sais qu’il est resté simple et cultive son jardin, tel Candide en ses Préalpes.

Non : l’important est ce que Marcel dit, ou plus exactement ne dit pas, du Livre des Baltimore, qu’il n’a sûrement pas lu - ce qui n’est pas grave du tout. Plus exactement donc, il défend, non pas le talent de romancier de Joël Dicker, mais le succès de Dicker. Or le succès, c’est la vox populo : c’est la preuve par le nombre et le dinar. Joël Dicker fait pisser le dinar : donc c’est du sérieux pour Marcel & Co. Et tous ceux qui le critiquent, forcément jaloux à mort, ne sont que des cultureux rassis.
Moi l’autre : - C’est pourtant vrai que JLK en a remis, question critique…
Moi l’un : - Tu fais bien de soulever la question, vu qu’à notre connaissance, pas un papier sérieux, pas une critique élaborée et détaillée par des exemples n’a montré en quoi Le Livre des Baltimore, comme le prétend son éditeur (qui n’en croit pas un mot, c’est bien sûr) est « encore meilleur » que La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Donc JLK défendait le meilleur de Dicker, contre le moins bon. Tu trouves pas ça sympa ?

Moi l’autre : - Si Marcel ne dit pas non plus un mot de précis sur les qualités du Livre des Baltimore, il se fait en revanche le défenseur de Joël Dicker gérant son image publicitaire en vantant les mérites de telle compagnie d’aviation ou de telle marque d’automobile.

Moi l’un : - On le savait déjà : Joël aime écrire dans ses déplacements sur Easyjet (témoignage d’un ami Facebook) et les voitures l’inspirent. N’est-ce pas son droit ? Et n’est-ce pas son droit aussi de Battant batteur à ses heures (on sait qu’il aime accompagner son pote Baker à la batterie) de se la jouer Federer en matière de pub ? C’est assez nouveau pour un écrivain issu de Romandie puritaine, mais Grasset n’avait pas craché sur une pub du savon Bébé Cadum pour booster Radiguet.

Moi l’autre : - Tu rigoles ?
Moi l’un : - Non : je connais mes classiques.
Moi l’autre : - Mais tu ne crois pas que, tout de même, pour un écrivain qui se respecte, jouer ce jeu-là peut-être risqué ?
Moi l’un : - Bah, disons qu’il y a une certaine logique et plus tard, c’est vrai, un prix à payer, qui sait ? On verra. Ce qui est sûr, c’est qu’après avoir écrit un excellent thriller au succès aussi monstrueux qu'imprévu, le lascar s’est risqué à exploiter celui-ci en resuçant le passé édulcoré de son protagoniste, pour aligner stéréotypes et clichés.

Moi l’autre : - Marcel invoque pourtant la qualité artisanale du travail de Joël et de Bastien, ces ouvriers du succès…
Moi l’un : - Pour Bastien Baker, je me la coince, vu que j’en suis resté à Bryan Adams dans le domaine, et que j’écoute plutôt Stromae ces derniers temps. Et d’ailleurs, que Bastien se démène pour promotionner son dernier disque, comme Joël s’emploie à signer son livre, rien que de normal et de légitime !

Moi l’autre : - Revenons-en alors à cette question de l’artisanat.
Moi l’un : - Oui. Tu as relevé le fait que Joël Dicker aimerait qu’on lût Le Livre des Baltimore comme on regarde une série télé « en famille ».

Eh bien , précisément si tu compares l’artisan pressé qui a ficelé Le Livre des Baltimore et le travail accompli sur le scénar ou les dialogues, sans parler de l’interprétation, d’une série comme Vengeance, qui a dû inspirer notre Joël à divers égards (la famille hyper-friquée, le chien Duke démarqué de Jimmy, et la dolce vita dans les Hamptons), y a pas photo ! Autant les personnages, même très typés, du genre Victoria Greyson la Lady Macbeth du feuilleton, Mason Treadwell l’écrivain retors ou la double Amanda, sont intéressants jusque dans leur perversité, autant ceux du Livre des Baltimore sont laminés et conventionnels. Et l’écriture ! Ces dialogues tellement débiles, alors que les dialogues de Revenge pétillent à tout moment de méchanceté suave et de malice ou d’humour noir.

Moi l’autre : - Donc on peut faire du très bel artisanat dans un genre décriépar les « cultureux » !

Moi l’un : - Mais cela va de soi ! Et Joël Dicker l’a prouvé…avant de prouver le contraire. Et Simenon !
Moi l’autre : - Passons donc, pour nous désopiler de concert à la lecture du reportage de Poupette sur les jeunes faneurs et faucheurs chers à Gustave Roud, dont notre sémillant papoteur a retrouvé la trace pour L'Hebdo.

Moi l’un : - Ah ça c’est le scoop ! Il fallait le faire. Mais ça ne m’étonne pas autrement. Il y a au moins vingt ans de ça, quand Poupette sortait à peine des langes de Maman et qu’il fréquentait (déjà !) la rédaction du Matin de Lausanne, n’en vint-il pas, comme me l’a raconté le médisant JLK, à l’époque chef de la culturelle du titre en question, à lui demander si Gustave Roud et Charles-Albert Cingria ne pouvaient pas être considérés comme les pionniers de la littérature « gay » en Suisse romande …
Moi l’autre : - Prodigieux ! Quelle intelligence de la société et des mentalités !

Moi l’un : - Tu imagines le cher Gustave cravaté, certes fasciné par les beaux corps des moissonneurs-batteurs du Jorat, se poser dans les salons de la Guilde, ou au Cercle littéraire de la place Saint-François, ne fût-ce qu’en laudateur du Corydon de Gide. Et Charles-Albert, certes pincé à vingt ans sur une plage romaine en train de peloter des ragazzi, et foutu au trou pour ça avant d’en être délivré – honte des hontes – par Gonzague de Reynold son ennemi giflé naguère – tu vois notre Charles-Albert prôner la gay attitude alors qu’il vitupérait quiconque le soupçonnait de pédérastie...
Moi l’autre : - Pédales honteuses honteusement hypocrites ?
Moi l’un : - Bien mieux que ça : poètes majeurs portés sur la beauté masculine comme le furent Michel-Ange et Léonard, et avant eux Socrate et Platon et nombre de califes et d'abbés, mais pas question d’en faire un conformisme de plus ! Et les oeuvres ont tellement peu à voir avec cette sociologie de bazar !
Moi l’autre : - Tu auras remarqué que le vieux paysan interviewé par Poupette le lui balance carrément : foutez-lui donc la paix, au Gustave que, peut-être, nous n’avons même pas su apprécier pour ce qu’il était. D’ailleurs Poupette ne dit pas un mot sensé sur l’œuvre de Roud.

Moi l’un : - Ce qu’on peut ajouter, à propos du sens commun et de la sagesse populaire, qui n’a pas besoin de tout normaliser, se rapporte à la réaction de la sœur de Gustave Roud.
Moi l’autre : - Ah bon ? Tu en sais quelque chose ?
Moi l’un : - Oui, et de source sûre : ainsi, quand le poète revenait de ses chasses photographiques, dont il ramenait ses merveilleux autochromes paysagers ou ses portraits de beaux paysans à moitié dénudés, elle disait à propos de ceux-ci : « Mais mais mais, comme c’est bien : encore un poulain dans son paddock ! »

Moi l’autre : - Tu crois que Gustave Roud, aujourd’hui, à supposer qu’il eût toujours vingt ans, consentirait à poser en marcel devant un avion de la compagnie Swiss ?
Moi l’un : - Je ne sais pas. Faut que je lui envoie un SMS posthume, ou que je voie sur l'application Facebook Six Feet Under si Charles-Albert est prêt à échanger...