Quelques minutes plus tard, l’alarme rendait son dernier soupir, et l’orchestre, prenant la relève, rompait le silence.
A l’entrée triomphante de Néron, qu’interprétait une très belle femme au costume resplendissant, Marie sortit une paire de jumelles. Elle adorait réunir les acteurs tout près d’elle, dans l’espace magique des verres grossissants. Lorsque Poppée rejoignit l’empereur romain, négligemment allongé sur un large lit rond, la salle frémit d’un même élan de volupté.
Les artistes échangèrent un long regard avant que leurs voix ne s’unissent pour ne plus se démêler. Puis Néron embrassa Poppée, et les joues de Marie s’empourprèrent. Comme, à cet instant, tout heureux propriétaire d’une lorgnette, qu’elle fût d’ivoire ou d’écaille, vêtue de cuir ou de bois, que ses charnières fussent de cuivre ou d’étain, et qu’enfin, elle grossît peu ou prou, elle cala l’objet sur l'arête de son nez, et fut instantanément propulsée au milieu du décor avec les deux jeunes femmes tendrement enlacées.
Le souffle court, elle s’immobilisa, suspendue aux lèvres fougueuses, épiant la main tendre de Néron sur le déshabillé en mousseline chair de Poppée. Quand le lit fut à nouveau vacant, d’un geste rapide, elle rangea les jumelles dans leur écrin.