Point de déshonneur : « On risque à tout moment de se faire trouer la peau par des fous de Dieu et si par miracle on en réchappe, ce sera pour croupir dans les camps de concentration mis en place par l’administration FN ! Que de bons moments à vivre, en effet ! » C’est par ces mots pleins d’aigreur et de désespoir que je réponds à tous ceux qui essaient de me convaincre que la vie est belle ; ce sont aussi les mots qui tournent en boucle dans ma pauvre caboche : j’ai l’œil mouillé en permanence, je me lève chaque matin avec un mélange d’angoisse et d’abattement qui me fait avancer au ralenti et repousse aux calendes grecques la concrétisation de tous ces merveilleux projets que je porte en moi et que je remettais toujours à plus tard pour cause de doctorat. J’ai vieilli de cinquante ans ! Le 7 janvier avait déjà rendu aphones mes penchants libertaires ; le 13 novembre les a carrément rendus muets ! Voilà pourquoi je n’ai rien dit concernant la prolongation de l’État d’urgence et ses inévitables abus : parce que j’ai peur. Oui, je l’avoue. Je suis un lâche. Je n’en suis pas fier du tout. Je ne suis pas plus un héros que vous ; on a beau jeu de faire les bravaches et de dire qu’on continuera à vivre malgré tout, comment voulez-vous ne pas avoir peur ? S’il faut ramper devant des cons en uniforme, je suis prêt à le faire, j’aime encore mieux ça que me faire canarder ; de même, s’il faut voter à droite pour faire barrage au Front National, je suis prêt à le faire, j’aime encore mieux me faire arnaquer que me faire déporter ! Je sais, c’est minable, mais je m’en fous ! Je n’ai plus aucun orgueil, si tant est que j’en aie jamais eu ! J’ai eu cette chance, que beaucoup peuvent m’envier dans ce pauvre monde, de grandir dans un pays pacifié et démocratique et de m’y épanouir à ma guise ; je ne demande qu’une chose : que ça continue, quitte à devoir faire des concessions avec ce que je déteste le plus ! Comme le disait Cavanna dans L’œil du lapin, vivre en lâche, vivre honteusement, c’est toujours vivre, ça doit valoir le coup, au moins pour essayer, quitte à se suicider s’il s’avère c’est vraiment insupportable. Rien n’est sacré, mis à part la vie.
Point de croix gammée : La semaine dernière, c’était Marine Le Pen qui quittait avec fracas le studio de France Inter pour ne pas devoir admettre qu’elle venait d’être prise en flagrant délit de mensonge ; une attitude de gamine capricieuse, digne de l’infernal prince Abdallah dans Tintin, mais qui ne doit pas étonner de la part d’une riche héritière qui ne sait pas ce que c’est de devoir lutter pour survivre ! Cette semaine, c’est Marion Maréchal-Le Pen qui annonce qu’elle coupera les subventions au Planning familial : simple dérapage de blonde ? Non, un des aspects de l’avenir radieux que nous propose le Front National, le parti du peuple comme chacun sait ! Et que dire de la tête de liste FN du Finistère qui expulse ses propres militants qui le traitent de « fasciste »… Le vrai visage du FN, le voilà ! Et c’est ça qu’un Français sur trois est prêt à approuver ! Sincèrement, quand je voyais, le 11 janvier et le 15 novembre, mes compatriotes se mobiliser pour opposer la tolérance et la fraternité à l’obscurantisme, j’imaginais autre chose ! Les élections régionales s’annoncent tout bonnement cauchemardesques : avant, quand je disais « à bas Le Pen, F comme fasciste, N comme nazi », je recueillais des approbations sans limites, aujourd’hui, on me demande si ça ne me fait pas mal de traiter de cons toute une frange de la population (argument parfaitement démago, soit dit en passant), on me répond « Europe », « ras l’bol », « UMPS »… Et pourtant, des partis et des personnalités politiques qui proposent une alternative crédible, il y en a en France, on l’a bien vu il n’y a pas si longtemps avec la brillante (même les gens de droite le reconnaissent !) prestation d’Olivier Besancenot sur le plateau de Laurent Ruquier ! Les électeurs du FN n’ont strictement aucune excuse, ils se laissent tout bonnement aller aux solutions de facilité ! Et à cause d’eux, il ne me reste qu’un an et demi à vivre, merci du cadeau !
Mise au point : Enfoncez-vous bien ça dans le crâne : il n’y a pas de rapport entre la menace djihadiste et l’immigration. Beaucoup de jeunes qui partent faire le djihad sont nés en France voire ne sont même pas d’origine immigrée ! Mais allez expliquer ça à des obtus professionnels qui n’arrivent pas à intégrer que l’on puisse être français et musulman ! Un point, c’est tout.
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