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Peluches

Publié le 10 juin 2008 par Civmat
Quand j’étais petit, j’étais très peluches. J’avais ma peluche fétiche qui dormait toujours avec moi, mais aussi toute une ménagerie qui peuplait qui mon lit, qui ma chambre selon une occupation géographique de l’espace qui ne devait que fort peu de choses au hasard. Cette faune bigarrée restait dans ma chambre, sauf lors de nos migrations estivales durant lesquelles mon fidèle compagnon m’accompagnait. Le temps passait, mais je ne me séparait pas pour autant de mes peluches, sans éprouver de honte par rapport au fait de dormir avec, mais sans le crier sur les toits non plus.
Bien des années plus tard, après plusieurs déménagements, il me reste toujours les plus loyaux, une poignée, mes grognards, les derniers vestiges matériels de mon enfance, de celui qui fut moi. Ils sont dans ma chambre, mais ont quitté mon lit depuis bien longtemps.
Maintenant, ce sont mes enfants qui entassent les peluches dans leur lit. Et le flot semble impossible à contenir, la chambre est submergée par des peluches de toutes sortes, des plus classiques nounours à l’ornithorynque en passant par les dinosaures et Super Mario. La diversité est impressionnante, aussi bien en termes de bestiaire que de taille et de texture. En quelques décennies, on a changé de dimension.
Ce qui était un objet intime — on en offrait peu, il en existait peu et leur fonction était de devenir des doudous avant tout — est devenu un objet de grande consommation, qui s’affiche partout, qui n’est plus à destination unique des plus petits. Comme tous les jouets, on en offre un peu tout le temps. Peut-être parce qu’on a une vie sociale plus riche qui nous fait fréquenter plus de monde que nos parents en voyaient — ce qui multiplie les cadeaux — peut-être parce qu’on culpabilise plus de ne pas assez être présents auprès des enfants et qu’on compense du côté matériel ce qu’on sent qu’on n’apporte plus assez sur le plan émotionnel, relationnel.
En devenant des objets communs, banalisés, les peluches ont quitté la sphère intime et colonisent des espaces où nous ne les avions jamais vus auparavant. Même les adultes s’affichent avec des peluches.qui colonisent fréquemment l’habitacle des voitures. Je me bats avec ma fille pour lui faire admettre qu’elle est maintenant un peu grande pour trimballer son doudou partout, mais dans le même temps, elle croise chaque jour des personnes qui se baladent avec leur peluche. Je dois être un peu vieux jeu à considérer que le doudou relève du privé. Encore qu’elle assume mal de s’afficher auprès de ses copains et copines avec sa peluche informe d’avoir trop été aimé.
En tout cas, une chose m’intrigue. On voit depuis quelques années se multiplier des porte-clés peluches, généralement de petits animaux. Ce sont exclusivement des femmes qui les adoptent chez les adultes. Des femmes qui n’ont pas forcément en apparence le profil de l’adulescente. Je me demande pourquoi les femmes manifestent cet attachement à ces micros peluches ? Le doudou est considéré comme un objet transitionnel, de quelle transition ces peluches sont-elles les vecteurs ?

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