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La téloche à jules : The Knick

Publié le 11 janvier 2016 par Jules

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En 2013 Steven Soderbergh en ras le bol. Son dernier projet, un biopic sur le pianiste Liberace n’intéresse aucuns studios, pas assez « bankable », trop gay d’après eux. Heureusement la chaine HBO n’a pas ce genre de considérations et produira le film qui ne sortira en salle qu’en Europe. Mais pour Soderbergh la pilule est dur à avaler, marre de devoir autant batailler pour des projets jugés trop indépendant, ou de devoir faire de purs films de commandes pour les financer. Il annonce donc ça retraite du monde du cinéma. Mais au profit de la télévision, qui lui garantit un budget et des sujets adultes qu’on ne trouve plus sur le grand écran. De plus travailler pour une chaine payante (cinemax en l'occurence) lui garantit une liberté artistique totale. Ainsi très rapidement le projet « The Knick » est annoncée et se révélera être non seulement une série d’exception mais probablement aussi le chef d’œuvre de Soderbergh.

En deux saisons « The Knick » raconte le destin des médecins du Knickerbocker, mythique hôpital New-Yorkais au début du 20e Siècle. Et surtout de son chirurgien en chef véritable star de l’établissement, John Thackery interprété par un Clive Owen très charismatique et manifestement ravis de retrouver un rôle de premier plan. Contrairement aux séries historiques jouant sur une certaine nostalgie ("Downton Abbey" par exemple), « The Knick » dépeint cette époque comme un véritable enfer où la médecine, encore balbutiante, compte ses morts par milliers. En effet on réalise avec horreur qu’à cette époque les chances de survie en sortant du bloc opératoire étaient quasi nulles.
Réalisée, montée et mis en lumière par Soderbergh lui même, la série est plastiquement incroyable et propose une atmosphère absolument unique (plans séquences, jeux sur la focale, utilisation de la lumière naturelle). Le passage à la télévision ne semble pas avoir bridé la volonté du réalisateur américain d’expérimenter, y compris lorsqu’il filme les actes chirurgicaux (attention aux âmes sensibles, on voit tout). De plus Soderbergh à la brillante initiative de faire composer la musique du show pas son fidèle collaborateur; Cliff Martinez qui nous gratifie d'une bande son électro qui colle à merveille aux images et rend cette plongée dans le passé encore plus immersive et cauchemadesque (on pense par moment aux musiques planantes composées par le groupe progressif « Popol Vuh » pour les films de Werner Herzog).

Mais « The Knick » se révèle également d’une richesse thématique assez prodigieuse. Les personnages (tous inoubliables) ont en commun d’être « en avance sur leur temps » (que ce soit scientifiquement ou socialement) et se débattent donc contre l’ignorance et l’inertie avec laquelle la société évolue. Ils sont pour ainsi dire « coincés » dans leur époque. Ainsi la série brasse de nombreux thèmes autres que la médecine telle que le racisme (le personnage du Dr Edwards magnifiquement interprété par l’acteur de théâtre Andre Holland) ou le féminisme avec le personnage de Cornelia (beau portrait de femme obligé de renier sa propre nature).

Si la toxicomanie obsessionnelle du personnage de Clive Owen reste la ligne directive de la première saison, la seconde elle, se recentre sur les personnages secondaires et proposent de vraies moments d’émotions pour aboutir, dans les derniers épisodes (tel un requiem), à un maelstrom d’émotions qui prend littéralement aux tripes. On n’est pas près d’oublier les héros de « the Knick » et dans ces derniers instants c’est alors que l’on réalise que, comme toutes bonnes séries historiques, elle ne parle avant tout que de notre époque. Et plus précisément de la volonté (très actuelle) de nier la mort et la vaine croyance qu’à terme la science nous apportera l’immortalité.


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