Planche extraite du blog de Xavier Gorce, "Les "Indégivrables"
+ Des réactions parfois cocasses, à la limite de l'hystérie, ont suivi la proclamation par le festival d'Angoulême d'une sélection d'auteurs exempte de femmes, afin de décerner son grand prix. "Le Monde" a ainsi publié une tribune signée Emmanuel Guibert, intitulée : "La plus belle bande-dessinée de tous les temps est l'oeuvre d'une femme". En matière de féminisme comme de galanterie, il arrive que certains hommes en fassent un peu trop.
+ "Le Populaire" (Limousin) se mouille un peu plus qu'Emmanuel Guibert en faisant la promotion de sept "grands noms" de la BD au féminin : Pénélope Bagieux, Marjane Satrapi, Lynda Barry, Julie Doucet, Moto Hagio, Chantal Montellier, Posy Simmonds. Il n'est pas impossible que certains lecteurs de "Le Populaire" lisent ces "grands noms" pour la première fois ; parfois on veut démontrer une chose, et on démontre son contraire.
En réalité la question du sexe de l'auteur ne se pose pratiquement que dans la littérature bourgeoise. Bien que misogyne et tenant l'homosexualité pour une tare, Freud et sa théorie médicale ont pesé sur la critique littéraire en incitant à voir dans l'oeuvre littéraire ou artistique le reflet de la personnalité de son auteur, et donc son sexe ; encore une fois, cette "clef de lecture" est trop restrictive. On ne naît pas dessinateur de bande-dessinée, on le devient.
+ Le 43e festival d'Angoulême rendra hommage à "Lucky-Luke" et son dessinateur Morris. Derrière Morris comme derrière d'autres auteurs renommés tels Giraud-Moebius, Franquin, Will, ou encore d'autres, il y eut le Namurois Joseph Gillain, alias Jijé. Plus dilettante que certains de ses élèves, Jijé n'a pas laissé derrière lui une oeuvre aussi marquante que "Lucky-Luke" ; mais il joua le rôle, obscur mais décisif, de pygmalion et de maître dans la formation d'un jeune dessinateur.
Ce petit reportage diffusé sur Youtube célèbre modestement la mémoire de Jijé et illustre son rôle-charnière. En effet, le statut de la BD aujourd'hui doit sans doute beaucoup plus que les théoriciens de la BD ne veulent l'admettre à l'application de méthodes artisanales par les dessinateurs belges. D'une certaine façon, les auteurs de BD, qui furent des artisans, sont devenus des ouvriers et ont perdu une bonne partie de leur marge de manoeuvre ; à moyen terme, cette métamorphose, qui a d'abord été rentable, pourrait bien être préjudiciable à ces employés et à l'industrie qui les emploie.
+ Le prochain festival de la ville d'Antony fin mai (21) organise un concours de BD sur le thème assez libre de "la nature" ; il est ouvert également aux scénaristes amateurs, puisque ce concours propose à ceux qui ne savent pas dessiner d'utiliser des cases pré-dessinées pour raconter une histoire.
+ Le cabinet d'arts graphiques du musée des beaux-arts d'Angers détient une collection de 13.500 dessins (Poussin, Boucher, Fragonard, Delacroix, Ingres, Géricault, etc.) et ce musée organise jusqu'au 28 février une exposition, "La Fabrique de l'oeuvre", visant à mettre en lumière le processus qui va de l'esquisse préparatoire à l'oeuvre définitive (sous la direction d'Anne Sarazin).
Le peintre Eugène Delacroix, qui rêvait de réunir le dessin et la musique pour produire une sorte d'art "total", note dans son "Journal" que l'exigence de perfection de la musique contraste avec la peinture, qui a souvent plus de force au stade de l'esquisse que l'oeuvre parachevée n'a.
Dessin de Th. Géricault dans les collections du musée des beaux-arts d'Angers