dans l'ouest du Massachusetts que c'est des maisons de style colonial
peintes blanches et noires le plus souvent avec
une sorte de portique devant ou simplement une forme en triangle
au-dessus de la porte quand on s'approche on voit mieux
les détails naïfs et fins de l'ouvrage dans le bois
autour une étendue d'herbe fait que c'est toujours très propre
et les dimensions de la pelouse ça arrive que c'est comme un pré entier
avec un orme ou des érables volumineux dans l'espace de la saison
tout ça que je voudrais dire comme un souvenir commun à ce poème et au plaisir d'un improbable lecteur
c'est je comprends bien pas la peine que ça bouge peut-être les mots je voudrais
que ça ouvre entre l'idée qu'on a habituellement d'un pré
et la façon de penser avec son cœur au mot maison
un espace autrement, qu'à la fois le mal connu et la familiarité s'y mêleraient dedans.
Dans le prolongement de l'automne en ce pays de la Nouvelle-Angleterre
la couleur étonnamment rouge des feuillages
ça ressemble d'une façon à la fois emportée et mesurément satisfaisante
le plaisir d'aujourd'hui avec
des visages qu'on a aimés les joues le cœur en désordre à travers les buissons
où je me souviens mal quelle invention d'enfant que ça consistait à jouer à la vache et au taureau
avec des fruits d'églantier
un peu au loin on voit les tuiles du village
la campagne autour c'était plus modérément coloré en automne
mais justement dedans
ces quelques détails vifs ça préparait le plaisir à maintenant connaître
la splendeur à la fois tendre et obscène dans le rouge comme un cœur de ces arbres américains.
Pour vraiment parler précisément de ces maisons que j'aime il faudrait mettre ensemble
ce que le cœur en peut dire à travers des souvenirs et des leurres pour mal oublier d'autres rouges
avec des livres des reproductions qui montrent le détail de leur construction
c'est pareil en somme pour tout et tel visage par exemple qu'on aime
sa présence est autant l'ensemble des gestes mal précis qu'on le voit faire au loin
autant une photographie dessus son sourire immobile est la solitude et le silence du monde
que parfois soudain le mouvement de ses vêtements de ses lèvres dans l'espace alors confus que l e désir et les yeux bougent ;
les maisons coloniales de la Nouvelle-Angleterre quand on les imagine au loin on mesure
entre les mots qu'on a pour penser à elles
et la vraie couleur que ça fait leurs arbres grands devant et leur pelouse
exactement la distance douloureuse et tendre qu'on met avec un poème
entre un cœur on s'en souvient mal et des mots qu'on voudrait battants.
James Sacré, Figures qui bougent un peu, Gallimard, Collection blanche, 1978 in Figures qui bougent un peu et autres poèmes, Collection Poésie/Gallimard, 2016, pp. 112-113-114. Préface d'Antoine Emaz.