Appâtée par le sujet : « Il dit non à tout ! », me voilà devant Les maternelles. Trois parents sont invités et parlent des difficultés qu’ils ont face à leur enfant en pleine crise d’opposition. Je vois bien de quoi il s’agit et écoute avec attention les conseils du pédopsy.
Et puis, passe un petit reportage, tourné dans une crèche. Oui, car comment peuvent s’en sortir des professionnels avec une vingtaine de mini ados, alors que nous, parents, devenons blêmes devant notre seul petit rejeton ? Je me dis que lorsque je travaillais en crèche, justement, il ne me paraissait pas très difficile de faire face à ces crises d’opposition, et même qu’au contraire, j’aimais aider l’enfant à les traverser. Et là, force est de constater que j’ai ai marre de répéter des interdits à longueur de journée, et de voir Rose faire et refaire la même bêtise en me regardant droit dans les yeux (ou en les fermant d’ailleurs, pour me faire bien remarquer qu’elle m’ignore). Bref, je me dis que oui, en effet, j’ai moins de patience avec ma fille parce que je ne suis pas au boulot, et surtout parce que l’investissement émotionnel n’est pas le même.
Le petit reportage se termine, et le pédopsy dit que bien évidemment c’est plus facile pour des professionnels. D’abord pour cette histoire d’investissement, ensuite parce que l’enfant est plus facile et surtout surtout parce que la mère, elle, elle doute de tout, tout le temps, et a constamment peur de mal faire et de traumatiser son enfant. Et là, illumination dans ma tête : » Ah bon, mais alors on est toutes comme ça ?? C’est donc normal ce que je ressens ? «
Car voilà, il ne passe pas une journée, voire même une heure en compagnie de Rose sans que je me demande si je fais bien. C’est pratiquement de l’instantané, et je le fais sans m’en rendre compte. À l’instant où je prends une des mille petites décisions qui ponctuent la journée, vient en même temps le doute : « Ai-je raison ? J’aurais dû le dire comme ça. J’aurais dû attendre un peu. J’aurais mieux fait de faire ceci ou cela ». Et bien entendu quand je considère que j’ai mal fais : « Elle va s’en souvenir toute sa vie, je l’ai traumatisé ».
Ce n’est même pas très pénible, puisque c’est une toute petite voix qui chuchote, mais enfin à la longue c’est fatiguant.
Ce n’est pas très difficile de savoir pourquoi les mères se torturent ainsi l’esprit. Après tout, un beau jour, on nous met entre les mains un tout petit être totalement neuf et dont nous avons l’entière responsabilité. Chaque geste, mot, acte le concernant participera à le façonner. Rajoutons à cela que nous éprouvons pour cet être un amour inédit de puissance, et donc une envie de faire parfaitement son bonheur, et boum, nous avons une maman qui doute.
Mais le doute, c’est le tuteur. C’est celui qui nous tient droite, qui nous empêche de laisser tomber, c’est lui qui nous fait nous remettre en question, réfléchir, culpabiliser, aimer, éduquer. Être mère quoi … Lui qui fait que nous ferons mieux demain, que nous serons capable de nous excuser, de parler, de partager. Le doute c’est l’intelligence.
Car si je ne doutais jamais de moi, et si je ne me posais aucune question sur ma façon de faire, il est évident que mes comportements ne seraient pas adaptés. D’abord parce que je suis une jeune maman, qui a donc peu d’expérience et qui ne demande qu’à apprendre, et ensuite parce que Rose évolue, et que je dois donc sans cesse repenser ma manière d’être avec elle. C’est grâce à mes doutes que je peux évaluer mes décisions, me poser pour faire preuve d’empathie envers Rose, me demander ce qu’elle ressent et comment je peux l’aider.
Maintenant que je suis rassurée, et que je sais que vous toutes là, vous êtes aussi torturées que moi, puisque c’est le psy qui l’a dit, ce sera peut être plus facile de faire avec ma petite voix. Et puis le tout c’est aussi d’écouter l’autre petite voix, celle qui nous dit qu’on fait du mieux qu’on peut, et que ça se voit quand on observe nos enfants heureux et épanouis.
Et vous, vous trouvez aussi que le doute peut être un bon moteur ?