La stridence du moteur a attiré mon attention alors que je déambulais sur l’avenue proche de mon domicile. Une réfection de la chaussée me suis-je dis in petto – je n’hésite jamais à converser avec moi-même quand je suis seul, ça me fait une compagnie qui n’est pas contrariante en général, donc agréable. Portant mon regard au loin et non plus sur la pointe de mes godasses, vue lassante au bout d’un moment j’en conviens, je localisais la source sonore bruyante.
Le travailleur s’attaquant à nos oreilles n’était pas collé au macadam mais suspendu dans les airs comme un trapéziste arboricole. Un groupe de jardiniers élagueurs s’en prenaient avec vigueur à un bel arbre trop fourni en branches vieillies. L’homme encordé dans la ramure taillait tant et plus, un collègue au-dessous ramassait le branchage et le portait au troisième responsable d’une broyeuse en remorque de leur camionnette. En quelques minutes à peine, ce qui de mon point de vue ressemblait à une belle branche se transformait en copeaux de bois et sciure voletant aux alentours.
Regarder travailler les autres, surtout quand il s’agit de travaux physiques donc éreintants, est une des occupations les plus agréables qui soit pour qui en connait la valeur. Tandis que les gens passaient, indifférents ou seulement contrariés par l’obligation qu’ils avaient de faire un détour pour contourner la zone devenue dangereuse, nous n’étions que deux ou trois à nous réjouir du spectacle. Deux ou trois retraités, il va de soi. Deux ou trois qui n’avaient rien d’autre à foutre en cet instant de la journée. Deux ou trois bienheureux, le nez en l’air, satisfaits de suivre la progression simiesque de l’employé municipal chargé de l’entretien des jardins prouvant l’utilisation avisée de nos impôts locaux.