L'aventure est toujours plus belle à deux, quand l'amour naît où on ne l'attend pas.
La Momie de Pâques ne fait pas exception à la règle, à un petit détail près....
Ici, ce n'est pas d'un homme que tombe amoureuse notre jeune égyptologue au siècle dernier. C'est d'une jolie jeune femme, rencontrée par hasard sur le Nil. Et pour compliquer l'affaire, notre héroïne ne trouve rien de mieux à faire que se travestir en homme pour voyager incognito...
Voici quelques extraits choisis (bien sûr, ce n'est qu'un avant-goût...):
Un « Chaud Froid » plutôt chaud
Me pliant à ses désirs, je me mis en quête de la seconde surprise. Elle me guida par un « chaud froid », selon que je m’approchais ou m’éloignais du but. Je me dirigeai tout d’abord vers la tablette qui lui servait de bureau, mais un « froid » espiègle m’accueillit. Dépitée, je m’avançai vers les placards sans plus de succès. Je me lançai alors vers le lavabo où ses affaires de toilettes étaient éparpillées, flacons, linges, savons et parfums. Elle me laissa examiner ces trésors quelques instants – était-ce à dessein ? –, puis me gratifia d’un nouveau « froid ». Assise sur une chaise en paille, elle me regardait en souriant. Je m’approchai de la couverture. Elle m’encouragea par un « un peu moins froid », je m’enhardis. Je la regardai, la main suspendue au-dessus des draps dans l’attente d’un veto prenant la forme d’un « froid », mais rien ne vint, alors je soulevai le haut des draps en tremblant, distinguant un renflement au niveau des oreillers. Malheureusement, il s’agissait d’un pli de la couverture. La mine contrite, je sentis une vague glacée refluer vers les extrémités de mon corps. Explorer ainsi son lit paraissait pour le moins déplacé, j’étais rouge de confusion sous l’effet conjugué de l’alcool et de… Que sais-je, toujours est-il qu’elle me guida par un « presque froid », et je refermai les draps. Je me tournai vers elle et avançai d’un pas : « chaud, mais attention, ce n’est pas encore brûlant ! ». Ses yeux moqueurs me toisaient hardiment, moi et ma gaucherie juvénile. Je m’approchai d’elle lentement et me trouvai à moins d’un mètre quand elle annonça « très chaud ». Je regardai aux alentours, il n’y avait rien hormis le lit que j’avais déjà examiné, un mur vide de toute étagère et elle, assise sur la chaise. Elle rit en me voyant désemparée, debout devant elle, ne sachant plus que faire.
Puis elle cessa brusquement de rire et me fixa de ses grands yeux clairs. Je m’agenouillai à tout hasard, je n’avais pas regardé au sol, avant de me relever. Je tendis alors la main vers elle : « de plus en plus chaud… ». Son collier frémissait au rythme rapide de sa respiration, son chapeau frissonnait sous la brise qui filtrait dans l’interstice du hublot tandis que l’élégante dentelle de sa robe me défiait silencieusement. Je retins mon souffle et posai très doucement le bout de mes doigts sur l’étoffe qui couvrait ses épaules. Elle ferma les yeux en murmurant « brûlant », tandis que je glissai de son épaule à son bras, sans un mot.
Le seul moyen de se délivrer de la tentation...
Lorsque je regagnai le divan, Luisa prit ma main et m’attira à ses côtés. « N’avez-vous jamais connu l’amour ? demanda-t-elle. Pardonnez-moi mon indiscrétion… ». Je baissai les yeux, ne sachant où sa curiosité nous mènerait : « Je ne peux pas dire que je n’ai jamais aimé personne… » Embarrassée, je marquai une pause. « Il y eut le fils du boulanger, lorsque j’avais quinze ans, et le fils de nos voisins, lorsque j’étais encore enfant. Voyons voir, lors de mes études à Paris, il y avait ce professeur émérite… ». A son regard amusé, je sus que ce n’était pas là le sens de sa question. Je rougis violemment, comprenant à quel point je devais lui paraître ingénue. Qu’allait-elle penser de moi ? Non, je n’avais jamais connu l'amour. Je n’étais pas mariée, comment aurais-je pu ?
Elle me caressa doucement la main, en m’assurant que cela pouvait arriver à tout le monde, même à des gens exceptionnels, de succomber à la tentation en dehors des liens sacrés du mariage. Je me raidis malgré moi. De quelle tentation parlait-elle ?
L'Habit ne fait pas le Moine
Sur le chemin du retour, Luisa m’entraîna subitement dans un renfoncement. A l’abri des regards, elle murmura à mon oreille : « Avez-vous vu la clef que portait ce vieil ermite autour du cou ? ». Je levai un sourcil indécis. « Je sais ce qu’elle ouvre ! », chuchota-t-elle. Je lui répondis que la clef ouvrait les portes de l’église. Elle s’exclama alors avec son accent latin que j’aimais tant : « Vous êtes adorable ! Je ne parle pas de cette clef-là, bien sûr. N’avez-vous pas remarqué qu’il portait une croix en or autour de son cou ? attachée à la même chaîne que la clef de l’église ? Cette croix n’est pas un simple pendentif, c’est une clef. Et tout près d’ici, à quelques mètres sur notre gauche, se trouve la serrure, cachée sur un mur dans les motifs d’un bas-relief. En traversant l’enceinte, la serrure avait attiré mon attention. Et savez-vous pourquoi ? Les quatre pattes de la croix sont de même longueur, ce qui signifie que cette croix est celle des templiers. »
A cet instant précis, un grondement sinistre éclata à quelques pas de nous. J’attirai immédiatement Luisa contre moi, dans l’ombre d’une encoignure. Surprise, elle perdit l’équilibre. Je chancelai à mon tour, sentant un afflux de sang empourprer mes joues. Le souffle court, je ne comprenais ni ma gêne, ni l’exquise sensation que me causait cette humiliante situation. Qu’allait-elle penser lorsqu’elle comprendrait que ce n’était pas à mon bras qu’elle s’agrippait ? Un claquement sonore chassa mon désarroi. Nous identifiâmes sans mal l’origine de ce bruit provenant du bâtiment voisin. Un pan de mur avait basculé, livrant passage à quatre religieux. Ils portaient sur leurs épaules un homme inanimé dont le visage brillait d’étrange façon, comme si l’on avait appliqué un liquide gras sur sa peau. Quand ils passèrent devant nous, nous découvrîmes, épouvantées, que ses yeux grands ouverts étaient révulsés. Le malheureux ne respirait plus. Quand Luisa ouvrit la bouche pour hurler, immobilisée contre le mur et n’ayant d’autre alternative, j’étouffai son cri dans un baiser. Appréhendant un nouveau sursaut de terreur, je gardai mes lèvres scellées aux siennes.
Je m’attendais à tout sauf à ce qu’elle me rendît mon baiser… La chaleur de son corps m’inonda brutalement. Ma tête éclatait, mes jambes se dérobaient, un monstre affamé dévorait mes entrailles, oh divine souffrance ! Jamais personne ne m’avait embrassée ainsi ! Quand ses lèvres quittèrent les miennes, je n’osai la regarder. Elle chuchota à mon oreille : « N’avez-vous jamais embrassé un garçon ? ». Je m’étranglai. Par bonheur les moines avaient disparu. Elle baissa les yeux et sourit à la vue de sa main sur mon corsage. Mortifiée, je restai muette, tel un enfant surpris en train de manger une orange en cachette. J’articulai avec difficulté : « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, pardonnez-moi, vraiment, ce n’est pas ce que vous croyez, je… ». Elle fronça les sourcils et agita son index. Je me tus.
« Ne regrettez jamais les instants de bonheur que vous offrez. C’est la première fois, dans ma vie de femme mariée…». Elle ne termina pas sa phrase. Une larme, puis deux, glissèrent en silence sur ses joues. Elle détourna la tête. Je posai une main sur son épaule, et nous sortîmes prudemment de l’ombre.