Nouvelle érotique

Tout ça à cause de ces avocats. De leur concours. De leur idée saugrenue de nous faire écrire la nuit. La nuit je dors. Ou bien je mange des cheveux noirs. Je n’écris pas.

Bien sûr qu’on peut le faire ensemble, j’avais répondu. J’aurais peut-être dû faire semblant d’hésiter, feindre une gène, mais j’en étais bien incapable. Elle était arrivée avec un petit sac, elle dormirait donc ici. Je ne l’aurais pas mise à la porte un dimanche matin à 7h, mais il subsistais un doute, dans mon esprit en tout cas. Je lui ai ouvert la porte de mon appartement, autour de 23h. Comment embrasse-t-on dans ces cas là ?  Sur la bouche ? Trop. Sur la joue ? Pas assez. Je l’ai prise dans mes bras, je l’ai embrassée dans le cou. Puis nous avons ouvert un petit blanc sans prétentions, en attendant le « sujet ».

Nous nous sommes installés l’un en face de l’autre, à chaque bout d’une même table, avec le même modèle de Mac, les yeux plongés dans l’écran.

Jamais sans toi, peut-être avec un autre. Le sujet me faisait face, littéralement.

Je l’observais par moments, concentrée, méticuleuse. Parlait-elle d’un autre ? Je remplissais son verre, sondais son sujet. Quelques phrases ont volé dans la pièce. C’est beau. Tu parles, c’est médiocre oui. Je suis hors sujet. Mais non, le sujet est vaste. il est bon ce blanc. Je suis contente d’être avec toi.

Lorsque la nuit a eu raison de nous, nous avons envoyé nos copies. Dans l’état. A chaque lecture, à chaque correction, il me semblait que j’empirais mon cas. Alors que j’avais été content au départ de mon idée lumineuse, mes ambitions et mes espoirs s’envolaient. L’alcool, la fatigue, les doutes. Nous nous sommes couchés, et nous avons fait l’amour, une dernière fois ; affolés par la nuit, transcendés par les mots. Je me suis effondré, avalé par la nuit, ébranlé par une question : parlait-elle d’un autre ?