Je me sens mal ce soir, papa

Salut Papa,

Ce soir, sentiment trouble. Je ne savais pas ce que j’avais, juste là. Une lourdeur dans le cœur. Non, une angoisse. La peur. La saudite peur. Celle qui nous prend à la gorge, quand on sait que ce qu’on craignait est juste là, mais qu’on ne veut pas voir. Oui, cette angoisse, pareille à la fois où j’ai fait semblant de ne pas voir parce que j’étouffais. Parce que je croyais que j’allais en mourir.

C’était le 9 février 2008.

Le médecin m’a dit que tout était fini.

Quand j’ai voulu partir, je lui ai demandé : pensez-vous que je peux quitter?

Il m’a dit quelque chose du genre : si vous êtes à l’aise avec ça. Comme s’il ne fallait pas. Comme si j’étais nulle si je quittais.

J’ai pris peur.

Je me suis fait croire que ça allait être OK.

Dans le fond de moi, je savais, ça n’allait pas.

Mais c’est comme si je ne pouvais pas, je pouvais plus, je regrette, pardon, mille fois. J’aurais dû avoir la force. J’ai été lâche. Je suis partie. Puis t’es parti, seul. J’aurais dû être là. Pardon. Pardon. M’en veux-tu? Moi, je m’en veux. Chaque jour. S’il te plaît, dis-moi, toi, m’en veux-tu? comprends-tu? Me pardonnes-tu?

Moi, je ne me pardonne pas, même si je sais que j’avais terriblement peur. Je ne pouvais pas. Mais je ne me pardonne pas.

Voilà, c’est cela que je ressens ce soir.

Demain, le 10 février 2016, tu seras loin de nous, de moi, depuis 8 ans, déjà. Mais la peine, la honte sont aussi cuisantes.

Arriveras-tu à me pardonner ce que je n’arrive pas à faire sans toi?

Je t’aime, même si je ne l’ai pas dit souvent, et toi non plus.

Gigi

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