Mon père a écrit près d’une centaine d’ouvrages, de la plaquette à quelques romans. Dont un lui a valu le prix Jean-Béraud Molson en 1979. La famille a fondé une petite maison d’édition qui a bénéficié de subventions pendant quelques années. J’écris, j’ai essuyé bien des refus, mais certains de mes livres sont publiés. Est-ce que je connais le monde du livre pour autant? Plus que d’autres, mais pas tout. Je ne sais rien par exemple de la traduction, des droits d’adaptation. Pas grand-chose sur les organismes et les subventions. Et à part pouvoir en nommer quelques-uns, je ne sais absolument pas comment sont attribués les prix littéraires.
Je ne peux donc pas émettre d’opinion sur ces sujets. Même pas perdre mon temps à essayer de les comprendre, à quoi bon m’aventurer sur cette route subtile. Alors juste dire mon ressenti. Juste me poser des questions. Au sujet du destin.
Au moment même où j’écris la suite et fin des Têtes rousses et des Têtes bouclées dans lesquels, dès le début, j’ai voulu interroger le destin, voilà qu’il vient encore me tracasser. Des associations d’idées, des coïncidences questionnables.
Les têtes bouclées n’ont remporté ni le prix Jacques-Poirier ni le prix littéraire Le Droit. Hier encore, j’ai compris qu’une nouvelle que j’avais même oublié avoir écrite ne gagnait pas non plus un des trois prix accordés. Tous des prix décernés en Outaouais. Pas au Québec, pas au Canada ou dans le monde entier, juste en Outaouais où je demeure, et mes écrits n’y sont pas retenus. Où le seront-ils? J’aurais aimé. Qui n’aimerait pas? Je suis heureuse pour les gagnant-e-s.
Bon, pas grave, la vie continue. Le Salon du livre bientôt. Où je devrais être à l’aise puisque des gens, comme moi, qui aiment écrire et lire. Des sujets qui m’intéressent. Le seul où je vais. Et voilà que la température annoncée me fait hésiter : neige, pluie, verglas. Est-ce que je vais risquer ma vie en roulant 75 minutes à l’aller et 75 minutes au retour pour un vingt-cinq minutes de jasette sur l’univers livresque? Du coup me revient l’année 2012 en tête : deux semaines avant le Salon du livre où je voulais lancer Les têtes rousses, l’oncologue me disait qu’il valait mieux commencer mes traitements de chimiothérapie au plus tôt. Exit le Salon de 2012.
Ai-je un mauvais karma avec les Salons du livre? Avec les routes difficiles, les vraies comme les symboliques?
Pas plus important que ça, mais la confiance en moi est ébranlée. Facilement ébranlée me direz-vous. Eh oui! Je suis ainsi faite. La confiance ne s’achète pas au magasin, mais elle peut être ravivée avec un peu de reconnaissance. Ou des routes sèches.
Et puis, le destin, encore? Arriva un courriel. Un tout petit, anodin. Une ligne. Cinq mots : Inscription des têtes qui frisent.
L’espoir, la reconnaissance ne font pas le talent ni le mérite, mais ils peuvent encourager au travail.
Cinq mots ont suffi pour me montrer la route à suivre : celle du travail et du plaisir d'écrire. La seule sûre.