Corinne Hoex, L’Été de la rainette par Philippe Leuckx

Publié le 01 mars 2016 par Angèle Paoli

[UN ÉTÉ 53]

S ous la bannière épigraphique d'André Hardellet, ici convoqué pour une inventive recréation d'une définition de l'enfance (tirée de son répertoire : " clef rouillée que cachent les buis, celle qui forcerait toutes les serrures " in La Cité Montgol, Collection Poésie/Gallimard, 1998), la poète Corinne Hoex rameute celle, lointaine, qui a déjà marqué nombre de ses livres romanesques ( Le Grand Menu, 2001 ; Ma robe n'est pas froissée, 2008). Faut-il la dire, cette enfance ? La taire ? La récrire ?

La poète, au conditionnel présent, recrée un lieu, des usages (on coud ainsi beaucoup chez Pelote-Pénélope-Hoex) ; on a des sœurs en " tresses " et " l'enfant tend l'aiguille " de ses mots " à la lumière ".

À cette époque-là (je vous parle " d'un temps que les moins de soixante-dix ans ne peuvent pas connaître " !), la table est essentielle : on n'a pas le droit de la quitter. Alors, on " joue " comme on peut : et si on disait que ce serait l'été ? Comme tout enfant qui sommeille dans le poète adulte, l'anaphore " Ce serait l'été " dévide la pelote des poèmes.

Hoex brode bien sûr, dans tous les sens du terme (réinventer l'enfance, tramer la toile de ses textes etc.), coud, mots et mailles, et le dé - qui protège le doigt est " d'argent ", " trop large " pour la gamine. " Vie cousue, décousue ". L'enfance, chez elle, ce sont " des voix sans corps ni visages ". Et, comme chez Hardellet, penchez-vous, lecteur, sur un puits et vous en recevrez, dit-il, toute la fraîcheur (!) au visage.

L'enfance ? " Pâte de sommeil ", méridiennes lourdes, temps enfoui, immobile, ENLISÉ.

L'enfance ? " Mâche(r) le lait âcre de leurs tiges " de pissenlits " amers " !

L'anaphore, bien sûr, de " Ce serait l'été " avec Irma qui prépare le poisson de famille, celui de l'oncle Armand, blagueur comme tout.

Ce serait cette " rainette " qui, selon le même oncle, appelle à former un " vœu "...

L'enfant de " sept ans " que l'on enjoint de " mieux écouter cette tourterelle "...

Oui, un été 1953, un bel été ?

Philippe Leuckx
pour Terres de femmes
D.R. Texte Philippe Leuckx