Chemin faisant (140)
Un gynocide chrétien. - Les murs de l'ancien Hospice de saint Jean, à Bruges, accueillent ces jours une exposition aux images aussi convulsives que les tableaux d'un Jérôme Bosch, évoquant les multiples scènes de torture et autres exécutions par le fer et le feu de milliers de sorcières convaincues par les séides de la sainte Église de relations coupables avec Satan.
En tant que Vaudois passant par là, nous devrions baisser le nez puisqu'un chiffre monstrueux apparaît sur un panneau lumineux au début de l'exposition annonçant 9000 procès en sorcellerie et 5000 morts pour le seul pays de Vaud entre 1440 et 1480 !!!
Or on sait que, si l'Inquisition catholique ET protestante, en Suisse, fut dix fois plus sévère en Suisse, entre le XVe et le XVIIe siècle, qu'en France, et fit cent fois plus de victimes qu'en Italie, les chiffres exacts diffèrent pour le moins du panneau belge. De fait, ce n'est pas au seul pays de Vaud mais dans l'ensemble de la Suisse qu'on a dénombré, sur trois siècles, plus de 3000 exécutions, le plus souvent par le feu. Pas de quoi être fier, les Suisses, mais faudrait pas pousser non plus, les Belges...
On ne s'étonnera pas, là-dessus, que plus de 60 % des accusés aient été des femmes, et la majorité des "sorciers" de pauvres bougres mal vus de leurs voisins. Les touristes processionnant à Bruges sont moins bien informés de tout ça que ceux qui se pointèrent au château de Chillon, haut lieu de détention et de torture en ce rude passé, où se tint en 2012 une exposition documentant plus sérieusement (!) les "sabbats de sorcières"...
Le talent du Diable. - Pablo Picasso eût-il mérité d'être brûlé vif s'il avait sévi cinq cents ans plus tôt ? Sûrement ! De fait, vouer un don artistique aussi bonnement divin à des sujets tels que la femme non voilée ou le taureau, la colombe pacifiste ou le péché de chair ne peut être qu'inspiré par le diable. Fort heureusement, peu de visiteurs s'égarent dans l'exposition couplant ici 300 dessins et gravures du génial Pablo et trois salles dédiées à son compère Juan Miro. Cependant, hérétiques que nous sommes, c'est bien là que nous avons choisi de prendre notre pied, plus qu'au musée du chocolat ou de la bière. Une fois de plus, en tout cas, la créativité stupéfiante de Picasso émerveille !
L'abbé Brel et le Polonais. - Sur la terrasse d'une brasserie du Markt, un serveur d'origine polonaise mais né en Belgique et établi à Knokke-le Zoute, nous dit tout le bien qu'il pense de Jacques Brel, qui a eu bien raison selon lui de brocarder les cul-bénits flamands, et tout le mal des Polonais de la dernière émigration, plombiers & Co, qui visitent désormais Bruges en touristes parvenus.
Or en dépit de vagues menaces terroristes, des troupeaux de touristes n'en finissent pas en effet, sur les itinéraires fléchés et supposés obligatoires - que nous évitons pour notre part - de faire ressembler la "Venise du nord" à la Sérénissime en ce que celle-ci a de pire: les foules hagardes et les boutiques de toc, les prix surfaits et certaine muflerie entachant la vénérable splendeur du lieu aux recoins d'un charme persistant...