Magazine Journal intime

Onze heures plus tard, chez nous

Publié le 10 avril 2016 par Claudel
Le cerveau est une drôle de bibitte. L’être humain au complet, disons. Pas vraiment logique. À moins bien sûr, — c’est plus que certain —, que je ne saisisse pas toutes les nuances de son raisonnement ou de son comportement sûrement teinté, l’un comme l’autre, d’émotions dont le propre est d’être irrationnelles. À preuve, pourquoi être revenue ce 9 avril alors que partout sur la route du Maryland à la Pennsylvanie, c’était annoncé « Winter wheather, use caution »? Sachant qu’à la maison, il y avait eu de la neige les jours précédents et qu’il en resterait sûrement. Qu’il ferait dans les moins 10 la nuit et un timide 0 le jour?
Nous sommes deux. Une qui a toujours peur de prendre les mauvaises décisions, qui pitonne sur sa tablette à chaque wi-fi rencontré pour vérifier les conditions routières de la 1-81 empruntée, et l’autre qui fait confiance, qui se dit qu’elle s’arrêtera si elle juge qu’elle n’est plus capable d’affronter ce qui se présente. Mais les deux s’entendent pour rentrer à la maison, les vacances sont finies. Plus le goût d’être dans le sud. Quand c’est rendu tu remarques le prix (élevé) des campings, que celui des State park n'est pas bien mieux, que tu trouves bien longues les deux heures de pluie, que tu te dis à quoi bon aller là, qu’il vente trop pour aller à Cap Hatteras que tu as déjà vu, aussi bien rentrer. Quand que tu commences à penser à ce que tu feras une fois à la maison, que ta tête y est déjà, ton corps te le dit, ton cerveau te le dit : allez, monte. Tu ne raisonnes plus. Tu t’entêtes, tu avances.
Et oh! petite merveille du corps qui s’inquiète la nuit et se fait des scénarios, ce même corps, le jour, trouve la force, le courage, l’énergie d’agir. Et une fois le jour venu, les raisonnements, les peurs, les hésitations se transforment en adrénaline et ce cerveau qui a créé l’inquiétude se met en mode adaptation et il réussit à prendre les bonnes décisions. 

Onze heures plus tard, chez nous

Samedi 9 avril, route I-81, Pennsylvanie

Le matin, à Hagerstown, Maryland, au lever du rideau, la trace de neige prévue à l’aube n’a pas eu lieu, la route est à peine mouillée. Tu pars. Une petite heure après, un long nuage de brouillard se profile à l’horizon, une petite neige dans les champs. Une route mouillée pour l’instant. La neige tombe, fine puis floconneuse. Tu actives les essuie-glaces. Tu ralentis, tu ne dépasses plus, mais tu avances. À l’intersection de la 81 et de la 78, d’un seul coup, la voie de gauche est enneigée, tu ralentis encore. Tu ralentis encore, de 90 à 70 à 50km/h. Tu ne dépasses pas. Ça monte vers Hazelton. Tu connais la route et les montagnes de la Pennsylvanie. Tu connais tes repères. Tu réfléchis rapidement, tu pourrais arrêter au camping de Lickdale, ouvert toute l’année. Et puis, tu vois un camion 18 roues. Tu les aimes parce qu’ils sont informés, ils ouvrent les routes, ils assèchent la route. En voilà un qui te dépasse, ça te rassure, tu le suis. Et puis un long segment de construction, une seule voie. À la queue leu leu, à 70 km à l’heure, tu roules pendant plusieurs kilomètres en suivant le camion. Ton cœur se calme, ta respiration redevient normale. Tu te sens en contrôle. Et pas toute seule. Après Hazelton, il neige toujours, mais la chaussée redevient double et libre de neige. 
Il faudra attendre l’état de New York pour qu’il cesse complètement de neiger, retrouver une chaussée sèche. Le thermomètre restera autour de 0 degrés jusqu’à la maison, six heures plus tard. Le passage de la douane n’est jamais assez rapide ou facile à notre goût, d’autant que notre anglais n’est pas fameux, mais finalement un petit quinze minutes d’attente, quatre ou cinq questions d’un douanier qui ne te regarde même pas et te voilà enfin à trois heures de chez vous. Tu y seras avant le coucher du soleil qui, heureusement, au printemps, de couche de plus en plus tard.

Onze heures plus tard, chez nous

Après onze heures de route, chez nous.


Ce soir-là, l’inquiétude fera place à la fatigue, mais tu seras fière de toi, contente de ton véhicule récréatif qui ne t’aura causé aucun pépin et aura fait son travail de trois quarts de tonne comme un pro.
Cesseras-tu pour autant de t’inquiéter et de surveiller les conditions météorologiques lors de tes déplacements? Cesseras-tu de voyager aux États-Unis en mars-avril?
Cesseras-tu d’être qui tu es?Réponses au prochain voyage.

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