Chemin faisant (148)
Folklore contre pittoresque. – Avec ses parcours fléchés, ses clichés vidés de leur substance,ses contraintes et ses atteintes, son kitsch substitué à toute vraie beauté, le tourisme massifié des temps qui courent ne cesse de nous soumettre aux tensions schizophréniques entre curiosité et dégoût, attirance et répulsion, reconnaissance et déception, et cela s’avère par les lieux les plus remarquables, de Venise à Bruges ou, ces jours pour nous, en Bretagne, deTréguier à Dinan.
À Tréguier surtout, un peu moins à Dinan, mais aussi à Roscoff, d’imposants ensembles architecturaux ne sont plus aujourd’hui que des coquilles vides, dont nous admirons la beauté extérieure ne correspondant plus à un habitus communautaire vivant.
D’envoûtantes itanies. - Nous roulions ce matin sur la départementale assez encombrée reliant Roscoff et Dinan, et je psalmodiais, ainsi que le conteur en sabots, les Séries citées par Yann Quéffelec dans son Dictionnaire amoureux de la Bretagne, telles que les Neuf petites mains blanches ou Le Druide et l’enfant que lui récitait sa tante Jeanne au manoir de Kervaly, quand les oreillons le retenaient au lit.
Je cite trop brièvement, en renvoyant la lectrice et le lecteur aux pages 117 à 132,sous la rubrique Barzas Breizh, du Dictionnaire amoureux de Quéffelec :
« -Tout beau, bel enfant du Druide, réponds-moi. Tout beau, que veux-tu que je te chante ?
- Chante-moi la série du nombre un, jusqu’à ce que je l’apprenne aujourd’hui.
- Pas de série pour le nombre un. La Nécessité unique, le Trépas, père de la Douleur, rien avant, rien de plus.
- Chante-moi la série du nombre deux, jusqu’à ce que je l’apprenne aujourd’hui.
- Deux bœufs attelés à une coque, ils tirent, ils vont expirer. Voyez la merveille ».
Et ainsi de suite, les séries se suivant et s’amplifiant au fil de l’incantation, au risque d’hypnotiser Lady L.au volant de la Honda Hybrid : « Sept soleils et sept lunes, sept planètes, y compris la Poule. Sept éléments avec la farine et l’air »…