Chemin faisant (149)
À Davos par Cabourg. - L'antique Yi King ou Yi Jing (qui se prononce Yi-ting), livre de sagesse chinoise trimillénaire qu'on dit aussi Traité des transformations, affirme à qui veut l'entendre, potentat casanier ou mendigot errant, qu'"il est avantageux d'avoir où aller".
C'est aussi le titre du dernier livre d'Emmanuel Carrère avec lequel nous avons eu l'avantage d'aller d'Alsace en Flandres, puis du delta du Rhin à l'estuaire de la Seine, en passant par Spetsai et l'Irlande (dans un texte consacré à son ami Michel Déon), Cabourg (notre pèlerinage au Grand Hôtel du petit Marcel) et Davos (son reportage gratiné sur le forum des battants), nos découvertes en 3 D alternant à tout moment avec les observations passionnantes de cet auteur formidablement présent au monde.
On fait ainsi deux, voire trois voyages à la fois en entremêlant choses vues à la fenêtre et choses lues. Aujourd'hui, ainsi, nous aurons traversé les merveilleux paysages de la Bretagne mythique, par Brocéliande, en lisant de belles pages de la bio de Simon Leys en ses premières années d'apprentissage; ou cette inepte présentation de la saison culturelle à Zurich, dans le Magazine super-snob-gauche-caviar du journal Le Monde, alignant les poncifs complaisants et faisant passer la capitale alémanique pour un foyer mondial de la culture balnéaire - l'hommage ultra-consensuel et convenu au mouvement avant-gardiste Dada et les bains publics branchés - cet article dégoulinant de flatterie n'étant en fait qu'un publi-reportage non signé...
L'argent à deux faces. - Le fric fout tout en l'air en cette époque d'hallucinant déséquilibre entre trop riches et trop pauvres, mais nous qui sommes entre deux ne pourrions nous payer cette espèce de Grand Tour sans les quelques moyens acquis par notre travail, et celui de nos parents (!) qui ont eux-mêmes commencé à voyager sur le tard.
Le sel de ce jour.- Un dimanche non moins lumineux se lève ce matin sur l'Atlantique bleu-rose du sud Finistère, mais nos vieilles osses fatiguent un peu et nous avons renoncé à pousser jusqu'à la pointe du Raz, crainte d'un ras-le-bol forcé. Du coup nous avons renoncé à une bonne rencontre espérée avec une amie plus que virtuelle de Quimper...
Or c'est comme ça: tout va trop vite et les rencontres "en vitesse" ne rendent d'ailleurs pas justice à l'amitié, mais le coeur n'y est pas moins se dit-on pour se consoler.
Nous avons dû "zapper" deux rencontres amicales, à Honfleur et à Quimper, mais le jour a ce matin des reflets prometteurs aux mille miroirs d'eau des marais salants. Merci la vie...