La petite semaine du professeur Blequin (5)

Publié le 24 avril 2016 par Legraoully @LeGraoullyOff

LUNDI 18 AVRIL

J’apprends à mon retour du festival de Perros-Guirec que l’invitée d’honneur de la prochaine édition sera Florence Cestac ; un honneur amplement mérité pour cette dessinatrice dont le graphisme rondouillard et rebondi n’est qu’une ruse émanant d’un esprit subtil et malicieux. Je me régale avec l’intégrale de sa série sur les ados : à travers ses personnages de Laura et Ludo, l’auteur nous montre à quel point les adolescents peuvent être difficiles à vivre mais elle sait se servir de leurs bêtises pour épingler la bêtise, beaucoup moins drôle, du monde que nous leur léguons. J’aurais aimé vous dire que Laura et Ludo sont une grosse caricature, mais le jour même où je finissais de lire l’intégrale de leurs aventures, un adolescent m’a engueulé pour avoir osé entamer sans le lui demander des paquets de chips qu’il avait acheté à ses frais : il m’a fait une scène pour cette broutille qu’il m’avait déjà reprochée vertement il y a deux jours, allant jusqu’à me demander de lui rembourser les paquets que je n’avais même pas vidés… En fin de compte, madame Cestac est un auteur réaliste !

Au comptoir d’un café, je taille une bavette avec la vieille serveuse et je lui parle d’un artiste qui prétend parler au nom du peuple mais n’a jamais connu les fins de mois difficiles ; elle me répond aussitôt « comme la plupart de nos politiciens » ! Venant de cette honorable personne, ce genre de remarque vaut tous les sondages du monde sur le discrédit dont les hommes politiques font aujourd’hui l’objet ; vous ne trouvez pas ?

MARDI 19 AVRIL

Pour les besoins d’une conférence à venir, je lis la version originale de Tintin au Congo, c’est-à-dire le récit tel qu’il avait paru, en noir et blanc, dans Le Petit Vingtième, à partir de l’année 1930 ; en lisant, une remarque politiquement incorrecte me vient à l’esprit : et si cette version originale n’était pas, en fin de compte, meilleure que la version en couleurs de 1946 ? Je veux dire par là que tous les clichés colonialistes dont cette histoire est tissée étaient pardonnables venant du tout jeune débutant (23 ans à peine !) qu’était Hergé en 1930 : en revanche, seize ans plus tard, le génie qu’il s’est avéré être entretemps n’a plus cette excuse ! Le noir et blanc et les maladresses de débutant allaient comme un gant à Tintin au Congo : en « réactualisant » cet album qu’il définissait lui-même comme un « péché de jeunesse », Hergé l’a rendu contemporain, sur le plan stylistique, d’un de ses chefs-d’œuvre, Le temple du soleil. Bref, cette cure de jouvence a provoqué un décalage entre la naïveté du récit et le professionnalisme des dessins : si Hergé, tout comme pour Tintin au pays des Soviets avait laissé Tintin au Congo dans son état originel, peut-être lui aurait-on fait moins de procès d’intention.

Le petit journal serait menacé : voilà qui m’étonne car je ne vois pas en quoi la bande à Yann Barthès peut déranger les hommes politiques ! À part quelques arriérés, ces derniers ont tous parfaitement compris qu’en épinglant leurs maladresses, les amuseurs de Canal+ ne faisaient que les rendre sympathiques. Ça ne veut pas dire que je souhaite l’arrêt de l’émission : si Bolloré fait ça, il offrira le statut de martyr de la liberté d’informer à une bande d’ados attardés !

MERCREDI 20 AVRIL

En reportage pour Côté Brest, je vais à la rencontre de mes confrères de Quartiers Libres TV, la web-télé que les habitants des quartiers « difficiles » de Brest pour montrer que la vie à Kerourien, Keredern et Pontanézen ne se résume pas aux feux de voitures et aux vociférations d’un imam timbré. Je me prends à rêver que ça serve d’exemple à toutes les banlieues françaises auxquelles les médias nationaux collent une réputation détestable : ça pourrait clouer le bec à tous ces crétins qui offrent à l’État Islamique ou à l’extrême-droite le statut de porte-parole des jeunes des cités, à commencer par Emmanuel Todd ou Pierre Carles !

http://www.quartierslibres.tv/

Ce qui est ahurissant, ce n’est pas que Finkilekraut ait été mis à la porte de Nuit Debout : c’est qu’il ait seulement pu y être admis ! Qu’est-ce que ce sale bourgeois, xénophobe de la pire espèce et membre de l’Académie française, venait faire dans un mouvement qui prétend défendre les faibles et les opprimés ? Un peu comme si Zorro engageait le chef du Ku-Klux-Klan comme écuyer ! C’est un fait, Finkielkraut déteste la société, mais les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis : les altermondialistes avaient fait la même erreur en acceptant des prédicateurs islamistes à leurs forums sous prétexte d’une commune antipathie envers l’Amérique du Grand Capital… Si les mouvements contestataires sont si peu exigeants sur le recrutement, il ne faut pas s’étonner quand ils se cassent la gueule !

Finkielkraut vu par votre serviteur.

JEUDI 21 AVRIL

21 avril… Pour ne pas ressasser des souvenirs trop désagréables, je suis allé au vernissage de l’exposition de Doris Thuillier à la galerie Up Art ; ce monsieur, photographe autodidacte, travaille à l’institut polaire français, ce qui lui permet d’exercer son art dans des terres australes désolées comme la Terre-Adélie ou les îles Kerguelen. Il en faut, du talent, pour faire de beaux clichés avec ces terres déprimantes ! Mais le mieux, c’est que vous alliez voir vous-même : c’est au 6 rue de la porte, à Brest, tout de suite à gauche après le pont de Recouvrance, et c’est jusqu’au 19 mai. C’est noté ?

Côté Brest fête ses quatre ans d’existence, l’occasion pour la société éditrice de l’hebdomadaire gratuit d’offrir une sortie en mer sur la vedette Azénor, assortie d’une dégustation de vins, à ses annonceurs et collaborateurs, dont votre serviteur. Quand on est correspondant de presse, on n’est pas payé très cher, c’est entendu, mais on a de sacrés avantages en nature !

Photo prise à bord de l’Azénor par votre serviteur.

VENDREDI 22 AVRIL

Le petit Prince est mort… Il n’y a pas si longtemps encore, je n’entendais jamais parler qu’en mal de ce chanteur, on me disait qu’il était ringard, que même les rats ont honte de l’écouter, et maintenant qu’il est mort, tout le monde le trouve génial ! Ça se reproduit à chaque fois qu’un chanteur connu casse sa pipe, avec plus d’intensité encore si le décès est prématuré : j’ai beau y être habitué, ça me surprend à chaque fois ! Personnellement, je ne peux pas prendre parti vu que je n’ai jamais pris la peine d’écouter la musique de Prince : ce n’est pas que j’avais des idées préconçues sur le sujet, c’est juste que j’ai manqué de curiosité musicale. Est-ce que la disparition de l’artiste va réveiller ma curiosité ? Je ne pense pas, je n’ai pas cette mentalité de charognard, et je ne veux pas me sentir ridicule au cas où je serais passé à côté d’une œuvre majeure.

Restons dans le domaine de la musique : apparemment, 200.000 exemplaires du nouvel album de Renaud se seraient écoulés en quelques semaines, un sacré score vu l’état actuel du marché du disque. Voilà qui confirme que Renaud est bien une star à part entière, qui peut se permettre de s’éclipser pendant des années sans que le public l’oublie, et non pas un vulgaire « pipole » qui a besoin de gesticuler pour exister : tâchez de ne pas l’oublier !

Renaud vu par votre serviteur.

SAMEDI 23 AVRIL – DIMANCHE 24 AVRIL

On n’est pas loin du « pipole », en revanche, avec Joey Starr et Hanouna ; paradoxalement, venant du rappeur, sa gille administrée à Gilles Verdez confirme peut-être son assagissement qui confine à l’embourgeoisement : il n’y a pas vraiment de commune mesure entre ses turpitudes de jadis et un soufflet administré à l’un de ces parasites sans utilité sociale qui gagent des fortunes simplement en donnant leur avis sur des sujets auxquels ils ne connaissent rien. Cela dit, s’il suffit de gifler l’un de ses chroniqueurs pour faire disparaître Hanouna de nos écrans, je veux bien baffer toute son équipe !

Joey Starr vu par votre serviteur. Cyril Hanouna vu par votre serviteur.

Mes activités m’amènent à fréquenter des gens de tous les âges : ainsi, j’ai dernièrement été confronté à une assemblée de personnes dont je pourrais être le fils voire le petit-fils et qui étaient incapable de se rappeler en quelle année Charles De Gaulle avait prononcé l’appel du 18 juin ! Ces messieurs-dames ignoraient également que Wilson était le nom du président des États-Unis d’Amérique lors de la première guerre mondiale, ce que je savais depuis le collège… Je sais pertinemment que tout le monde a le droit à l’erreur, mais venant d’une génération qui n’a de cesse de fustiger l’inculture des jeunes et de dénoncer les effets néfastes des nouvelles technologies sur la mémoire, c’est quand même croquignolet !

À dimanche prochain si on veut bien !

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