LUNDI 2 MAI
Il y a des jours où je me demande d’où vient le cliché du « joli mois de mai » : d’aussi loin que je me souvienne, le « joli mois de Marie » me laisse plutôt le souvenir de journées humides et venteuses où les gens attendent désespérément une éclaircie pour pouvoir sortir ; vous me direz que c’est parce que je suis (encore) jeune et que je n’ai pas connu les belles journées d’antan, celles d’avant-qu’ils-nous-détraquent-le-temps-avec-tout-ce-qu’ils-envoient-dans-la-Lune : je vous répondrai qu’Alphonse Boudard se posait la même question que moi au sortir de la guerre de 40 et qu’on retrouve la mélopée sur la météo qui se détraque dans les planches de Quick et Flupke dessinées par Hergé dans les années 1930… Toujours est-il qu’en ce 2 mai, je regarde par me fenêtre et je me dis que si j’aime ma région, ce n’est pas réciproque : j’en arrive à me demander si les Nantais tiennent tellement à être rattachés à ce pays froid et minable qu’on appelle la Bretagne ! Quitte à rajouter un département à la Bretagne, on pourrait choisir la Martinique : pour une fois, on aura chaud !
La doctorante brestoise Camille Kerbaol qui travaille sur une édition critique de la correspondance de l’officier de marine Adrien de Mandat-Grancey, s’est qualifiée pour la finale interrégionale du concours « Ma thèse en 180 secondes » : je ne suis pas chauvin (vous l’avez bien vu il y a un instant) mais ceci prouve que l’université de Brest, où j’ai moi-même été formé, est un pôle d’excellence intellectuelle : pas besoin d’aller à la Sorbonne pour trouver des chercheurs brillants !
MARDI 3 MAI
Les « Jetées » de Brest remportent le titre de « bâtiment le plus moche de France » décerné par les auditeurs de l’émission d’Éric Brunet sur RMC : quand on connait le niveau intellectuel de cette émission, on peut le prendre comme un compliment ! Et on peut légitimement se demander de quel droit une radio partiellement financée par la principauté de Monaco peut se permettre de juger l’urbanisme des autres villes, quand on voit toutes les merdes en béton dont est recouverte la côte monégasque ! Cela dit, il est vrai que quand on voit le siège de la station, on se dit qu’ils doivent s’y connaître en laideur architecturale…
Pour l’occasion, j’ai publié sur mon blog un dessin décrivant Brunet comme une « grosse paire de couilles cachées derrière un micro », ce qui me vaut d’être cité sur France 3 Bretagne : bien entendu, ils n’ont pas passé le dessin à l’antenne et ils n’ont pas prononcé le mot « merde » que j’avais employé. Mais je n’en veux pas au journaliste de la troisième chaîne puisqu’il a prononcé correctement mon nom, à l’inverse de temps de gens qui me rebaptisent « Bléquin », lisant un accent aigu imaginaire…
MERCREDI 4 MAI
Pour les besoins d’un article à rendre dans l’urgence, visite à la communauté Emmaüs de Brest : j’ai la déprime facile et je crois bien que j’ai rarement fait un reportage m’ayant à ce point donné le moral ! Paradoxal ? Absolument pas : les compagnons, les bénévoles et les salariés d’Emmaüs respirent tellement la détermination et la volonté d’aller de l’avant contre la misère qu’ils offrent un courant d’air frais salutaire dans l’air vicié de notre époque. Aucun prêtre ne m’a jamais fait croire en Dieu, mais les héritiers de l’abbé Pierre me refont croire en l’homme !
Le patron de Sanofi gagne 45.000 euros par jour : non content d’être indécente, une rémunération de ce genre est absurde : quel intérêt peut-on éprouver à gagner plus d’argent qu’il n’en faudrait pour faire vivre au moins cent personnes ? Même en bouffant des lingots d’or au petit déjeuner, personne ne pourrait dépenser autant de pognon ! Instaurer un salaire maximum, ce n’est pas seulement une question de justice, c’est aussi une question de logique ! On aimerait bien boycotter toutes les entreprises qui commettent de telles aberrations, mais dans le cas des groupes pharmaceutiques, c’est quasiment impossible : allez donc dire à votre médecin que vous refusez, pour des raisons politiques, de prendre tel ou tel médicament dont votre vie dépend ! Ah, ça, ils nous tiennent par les gonades !
JEUDI 5 MAI
Début de la 27e Foire aux Croûtes de Brest : c’est parti pour trois jours d’exposition en plein air (coup de pot, le soleil est au rendez-vous), de musiques et de festivités de toute sorte. Pour le caricaturiste que je suis, ça signifie aussi trois jours à attendre, parfois des heures durant, qu’un visiteur intéressé demande à se faire caricaturer. Je ne suis pas à plaindre : il suffit qu’il y en ait un ou une qui se lance et ça en entraîne automatiquement des tas d’autres, de sorte que je rentabilise toujours mon stand (tous les exposants n’en disent pas autant). Mais entretemps, je ne compte plus les gens qui me disent « non merci, je suis déjà une caricature de moi-même » ni ceux qui, en voyant mes tarifs, s’imaginent que c’est à moi qu’il faut donner des sous pour pouvoir entrer dans les chapiteaux ! Je pourrais en faire un sketch, je vous le jure !
C’est en rentrant de ce premier jour de foire que j’apprends la triste nouvelle… Et comme on pouvait s’y attendre, chacun y va de son petit commentaire sur les convictions du bonhomme. C’est vrai qu’on ne peut pas sous-estimer cet aspect du personnage, d’autant qu’il a largement contribué, autant sinon plus que Stéphane Hessel, à faire relever la tête de toute une génération. Mais il ne faut pas oublier l’essentiel : Siné (car c’est bien de lui que je parle) était avant toute chose un artiste majeur, un maître de l’humour noir qui a introduit en France, sous l’influence de Steinberg, une esthétique totalement nouvelle. J’étais encore lycéen quand j’ai vu sa version du « Bain turc » d’Ingres : le choc fut tel que j’ai juré de casser la gueule à quiconque oserait dire que Siné ne savait pas dessiner !
VENDREDI 6 MAI
Deuxième jour de Foire aux Croûtes : je ne vous l’avais pas dit, mais j’ai partagé mon stand avec Mich Mao, un sculpteur bien sympathique qui travaille le métal pour en tirer des œuvres oniriques : des arbres-villages, des musiciens et des animaux fabuleux comme une tortue fabriquée à partir d’un casque de l’armée française – ce qui est de loin le meilleur parti que l’on puisse tirer d’un matériel guerrier ! Mais le mieux est que vous alliez voir par vous-même, voici l’adresse de son site : http://www.michmao.net
Je n’ai rien trouvé de rigolo à dire sur les quatre ans de François Hollande à l’Élysée : j’ai pensé un instant à écrire que ça m’étonnerait qu’on commémore un jour le 6 mai 2012 comme on va bientôt commémorer le 10 mai 1981 (35 ans cette année, les amis !) mais je me suis dit qu’il ne faut pas sous-estimer l’absence de mémoire politique de mes compatriotes : on s’obstine à faire de Mitterrand une sorte d’icône laïque, oubliant à quel point il avait déçu les espoirs suscités par son élection ; Hollande est malin comme un singe, il est parfaitement capable non seulement de se faire réélire mais aussi de laisser aux Français un souvenir comparable à celui de Mitterrand ! Si vous me prenez pour un fou, je vous donne rendez-vous dans vingt ans et on en reparlera.
SAMEDI 7 MAI – DIMANCHE 8 MAI
La Foire aux Croûtes, ça passe toujours trop vite : heureusement qu’il reste à chaque fois le souvenir des joyeuses rencontres faites durant ces trois jours. Comme chaque année, les fanfares se sont données rendez-vous à la foire, pour le plus grand bonheur des badauds ; je ne peux pas dire que j’apprécie outre mesure ce genre de musique, un peu trop « épate-beauf » à mon goût. Enfin, il en faut pour tous !
« En lisant le journal, les gens croient apprendre ce qui se passe dans le monde ; en réalité, ils n’apprennent que ce qui se passe dans le journal » dit l’ami Geluck : la façon dont les médias français traitent l’élection du nouveau maire de Londres en est la preuve ! On met en avant le fait que Sadiq Khan est musulman, et on oublie tout le reste ! Pourtant, quand on voit comment se porte l’Europe « gouvernée » par des élus chrétiens, je ne vois pas pourquoi des élus musulmans feraient pire ! Et quand bien même cette élection symboliserait effectivement « le grand remplacement en cours » comme le prétend Robert Ménard, si ce « grand remplacement » pouvait remplacer tous les Robert Ménard d’Europe par des milliers de Sadiq Khan, je serais plutôt pour !
À dimanche prochain, si on veut bien !