Mouse of cards

Publié le 08 mai 2016 par Jlk

À propos de la série bad-buzzée avant sa sortie. De l'intérêt des ratages en tant qu'exemples par défaut...


(Dialogue schizo)


Moi l'autre: - Alors, on a détesté Marseille ? On en rajoute au bad buzz ?


Moi l'un: Mais non, faut pas exagérer, peuchère ! Y a pire comme série française, même s'il n'y a pas pire que les séries suisses...


Moi l'autre: - Tu défendrais cette daube ? Ce copié-collé de tous les schémas et procédés anglo-ricains, cette resucée affadie de Borgen et House of cards ?

Moi l'un: - Je n'irai pas jusque-là, mais je trouve le ratage intéressant par ce qu'il signale. Un peu comme le ratage du Livre des Baltimore de Joël Dicker. Paul Léautaud le disait justement: un mauvais livre à souvent le mérite de nous aider à préciser ce qu'on entend par la qualité d’un bon livre.


Moi l'autre: - Tu vois des qualités dans Marseille ?


Moi l'un: - J'en vois ici et là, et d'abord l'interprétation en dépit du dialogue trop mécanique ou artificiel. Depardieu est un dino frémissant d'émotion ici et là, et tous les personnages à l'avenant, sauf les tout méchants (Nadia Farès en potiche du Mal) qui sont tellement caricaturaux qu'on oublie. On a reproché à Benoît Magimel de n'avoir l'accent marseillais que dans certaines scènes mais c'est mal vu: son personnage n'a l'accent du cru que lorsqu'il s'adresse aux Marseillais de la rue, ce qui correspond à une réalité. À part ça l’ensemble des acteurs se tient plutôt bien. Et puis il y a deux ou trois plans de Marseille que j'aime assez. Il y a même, ici et là, un ou deux plans de cinéma qui échappent au laminage...


Moi l'autre: - Quelque chose à sauver du dialogue ?


Moi l'un : - Ouais, tout n'est pas que du carton-plâtre. Il y a même une ou deux trouvailles.


Moi l'autre: - Ah bon, tu cites ?


Moi l'un: - Par exemple, sur la fin, après le suicide raté de Rachel, la femme du maire ( Géraldine Pailhas, plutôt pas mal) qui retrouve celui-ci et convient avec lui qu'ils pourraient entamer une nouvelle vie, Robert Faro (Gérard Depardieu) propose: “Et si on prenait un chien ?". J'aime bien...


Moi l'autre: - Chacun ses faiblesses. Mais pour en revenir au filmage de la ville de Marseille, tu vas pas défendre les plans aériens tonitruants avec musique d'ouverture de jeux olympiques...


Moi l'un: - Alors là, c'est typiquement le genre de copié-collé qui en dit long sur les standards du genre. Tu as ça toutes les trois minutes dans la série Beauty and the Beast, avec plongée du ciel sur New York et point d'orgue ronflant. Mais là c'est justifié par la pompe lyrique qui sied à la Grande Pomme...


Moi l'autre: - À ce propos notre compère JLK aime à le rappeler: que le scout est bon, mais n'est pas poire ? Que dire alors du contenu politique de Marseille ?


Moi l'un: - Alors là rien à sauver ! C'est de la bouillabaisse au marshmallow franchouille, de la sociologie bien pensante à la Julie Lescaut et du sous- Borgen édulcoré. Si tu penses au tableau socio-politique de The Wire (À l'écoute) ou aux coulisses du pouvoir d'A la Maison Blanche ou de House of cards, tu soupires... Mais là aussi il ya matière à réflexion, sachant que Denis Robert a dû chercher des fonds au Luxembourg pour traiter sérieusement l'affaire Clearstream ou qu'on juge le film Salafistes trop dangereux pour ce con de public !


Moi l'autre: - Alors ?


Moi l'un: - Alors ça ressemble à une certaine France qui fait semblant de se flageller tout en roulant les mécaniques, à une certaine production française à la traîne des Ricains sans en avoir les moyens - même si cette série cheap roule sur 1 million l'épisode -, enfin que ca fera un bon produit formaté pour TF1...


Moi l'autre: - Tu as évoqué le nom de Joël Dicker...


Moi l'un: - Oui, parce que même si ça semble n'avoir rien à voir, ça a à voir. Dans Le livre des Baltimore, Dicker multiplie les poncifs les plus superficiels des séries télé, sans une once des vérités sociales, politiques ou simplement humaines foisonnant dans The Wire, à propos de la même Baltimore. Preuve qu'une série télé peut nous offrir plus parfois qu'un roman. Mais Dicker peut faire mieux, j'en suis sûr. Qu'il s'inspire donc du formidable Cleveland contre Wall Street de son compatriote Jean-Stéphane Bron, où l'honnêteté de l'investigation va de pair avec le souffle narratif et la présence si intense des protagonistes.


Moi l'autre: - Tu vois Jean-Stéphane Bron se lancer dans une série Suisse à la Borgen ?


Moi l'un: Je vois ça très bien si la télé romande se sort les pouces du cul, pour parler comme Nicolas Bideau, et si l'industrie inexistante du cinéma suisse fait alliance avec les émirats à l'instar de nos stars de l'économie et de la finance...