[JE CHERCHE] J e cherche. La pluie, le vent m'accompagnent. J'ai oublié pourquoi je suis ici, au milieu de ce champ, les pieds dans la boue. J'ai oublié mes mains et mes yeux. J'ai oublié que j'ai oublié. Je suis là, simplement, dans l'humide et le froid. À regarder venir ce que je ne veux pas voir.Jacques Ancet,
Je m'accroche. Je m'agrippe à ce rien que je vois. Tache de lumière, vert du pré, genoux croisés - et cette heure de l'horloge que je n'arrive plus à lire. Entre-temps, tout a basculé. La tache de lumière, le vert du pré, les genoux l'heure ne sont plus les mêmes. Ni les yeux qui les fixent. Ni cette bouche qui articule mes mots. Ni ce je qui un instant les fait tenir ensemble.
Je tourne les yeux vers ce que je ne vois pas. Ce que je vois m'accable. Trop d'images pour mon regard. Trop de mots pour mon silence. J'entends ce que je n'écoute pas. C'est là, tout près, comme un chuchotement. Une sorte d'eau qui coule. Quelque chose d'obscur, de tenace qui me souffle ce que je ne sais pas dire. La lumière revient. Elle ne m'éclaire pas.
Je ne continue pas, je recommence. Il y a ce qui est là, qui n'y est plus, qui y est. Des visages mouvants, arrêtés. Il y a ce qui me porte et m'emporte, ce qui me lâche dans la stupeur. Et mon regard est tous les regards. Et tout est regard. Et tout me traverse. Et rien qui reste. Et tout qui revient.
L'Âge du fragment, chronique, Æncrages & Co, Collection Écri(peind)re, 2016. Reproductions de peintures de Jean Murat.