Windowsmania

Publié le 16 juin 2008 par Lili

L’été s’est imposé depuis quelques jours. La température s’est élevée brutalement. Le soleil cognait sur le bitume comme s’il avait l’intention formelle de le franchir, de s’élancer dans les couloirs souterrains du métro encore trop frais à son goût.

Une chaleur suffocante planait sur le quai du RER, malgré les appels d’air du vaste réseau de couloirs qui donnait l’illusion de fraîcheur.

A peine les portes s’ouvrirent qu’une atmosphère chaude et humide saturée de transpiration, véritable bouillon de culture, pénétra dans mes narines, enveloppa tout mon être.

De l'air !

J’hésitai, puis renonçai à grimper dans la rame avec l’espoir que le suivant serait plus convivial.

Quelques minutes de patience pour voir la chance me sourire. Le RER qui débouchait alors du tunnel était une rame à deux étages. Plus d’espace, plus d’air ! J'allais enfin avoir la possibilité de me glisser jusqu'au au second palier où je me sentirais moins comprimée. Je sais, la chaleur monte mais j’ai l’impression d’être moins oppressée qu’à l’étage inférieur où la sensation d’écrasement ne me quitte pas pendant tout le trajet.

Décidément, c’était un jour miraculeux, deux personnes libérèrent leur place juste devant moi. Je m’assis enfin sur un des sièges près de la fenêtre.

Quelques instants plus tard, un duo de jeunes garçons monta à l’étage. Deux adolescents d’aujourd’hui, les cheveux colmatés par un gel ultra fixant, un piercing à l’arcade sourcilière pour l’un, sous la lèvre inférieure et dans l’oreille pour l’autre. Un pantalon taille basse qui, comme si cela ne suffisait pas, était maintenu sur le bas des hanches, le tissu pendant entre les jambes et le caleçon bien en vue au dessus de la ceinture. Les baskets de marque, le portable à la main, les écouteurs dans les oreilles, le Eastpack sur des épaules courbées, un tee-shirt foncé épais bariolé d’inscriptions absconses dans le style graphique des tag. Bref, le Total Look.

Ils avaient pourtant une petite bouille mignonne, un sourire agréable, un regard gentil hésitant entre la rébellion et la timidité.

Peu après le démarrage de la rame, un des deux garçons se dirigea vers une place libre devant moi à côté d’une femme d’une quarantaine d’années. Il ouvrit une des fenêtres du wagon avant de s’affaler sur le siège. Un courant d’air pénétra brusquement dans l’habitacle accentué par la vitesse progressive de la rame. La femme à ses côtés soupira, grogna et, l’air profondément exaspéré, se leva d’un bond en lançant un regard d’un mépris scandalisé vers l’adolescent, passa son bras devant ce visage poupin et referma la fenêtre d’un claquement sonore susceptible de briser la vitre !

Le jeune garçon avait observé son manège, l’air surpris. Son regard reflétait une incompréhension totale. Je perçus à cet instant une hésitation. Comment allait-il réagir à ce comportement agressif, méprisant ?

N'avait-il pas omis de lui demander si l'ouverture de la fenêtre ne la dérangeait pas? Aurait-il dû demander l’autorisation à toutes les personnes présentes dans le wagon ?

Etait-il claustrophobe ?

Parce qu’il était jeune, d’un look soi-disant rebelle (car je ne vois pas beaucoup de rébellion dans le comportement de fashion victime !), était-il pour autant un voyou, une racaille ? Pourquoi cette femme l’avait-elle fusillé du regard comme s’il avait commis le pire des délit, voire un crime…, un crime de lèse-majesté ? Lèse-adulte?

Elle aurait pu lui demander de fermer la fenêtre, lui expliquer qu’elle était très sensible au courant d’air malgré la chaleur. Je suis certaine qu’il l’aurait fait. Avait-elle passé une mauvaise journée ? Etait-elle énervée par le passager précédent qui lui avait marché sur le pied avant de descendre, avait-elle eu des remontrances de la part de son patron dans la journée ?

Le regard dédaigneux, l’air perçant, jaugeant de bas en haut son accoutrement juvénile, me mit la puce à l’oreille: elle ne supportait pas sa présence tout simplement.

Un jeune ! Quelle horreur ! Enfer et damnation, un adolescent qui pourrait être un délinquant, un jeune irrespectueux des anciens, blasé, feignant, obsédé par ses jeux vidéos, scotché sur MSN, collé à son portable et les oreilles obstruées par les écouteurs de son ipod.

J’observai cet affreux jeune ! L’incompréhension se lisait sur son visage qui exprimait la consternation. En silence, il jeta un coup d’œil à son pote resté debout dans l’allée. Le pote en question répondit dans un murmure wahou, c’est chaud !

C’est tout.

Oui c'est tout! Vous êtes déçu? Pas d'altercation, pas d'insultes, pas de cris, pas de gestes déplacés ou obscènes…

Ils n’ont sans doute pas trouvé les mots pour répondre à ce genre de comportement puéril. Leurs regards complices m’ont fait comprendre qu’ils étaient bien loin de jeunes irrespectueux mais plutôt d’adolescents qui estimaient plus judicieux de ne pas répondre à ces provocations, en préférant laisser le monopole de l’irrespect à cette personne hautaine.

N’étaient-ils pas plus matures que cette femme qui n’acceptait pas que d’autres puissent vivre autour d’elle?