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Le médecin, la patiente, et la maltraitance.

Publié le 02 juin 2016 par Rosecommetroispommes

C’est un sujet qui a été maintes fois abordé. Un sujet tellement connu que des centaines de femmes ont témoigné et que des associations se sont formées.

Toutes, ou presque, nous avons connu un médecin maltraitant. Force est de constater que la plupart du temps, c’est quand on touche à notre féminité, à notre sexe, que l’on s’en prend à nous, puisque les gynécologues et obstétriciens sont les premiers montrés du doigt. Inutile de préciser que j’ai également rencontré des médecins humains, bienveillants et intelligents, une majorité, heureusement.

Je suis allée pour la première fois chez une gynécologue lorsque j’avais quinze ans. Cela fait donc treize ans que j’y vais au moins une fois par an, et avec mes deux grossesses je ne saurai même pas dire combien de médecins j’ai croisé.

Mais combien m’ont maltraité oui.

∗∗∗

La première fois, c’est il y a trois ans, aux urgences gynécologiques de la maternité, à Paris. Après des saignements, je fais un test de grossesse : positif. Une amie m’alerte sur les risques de grossesse extra-utérine, il est 21h, nous décidons avec François d’aller à l’hôpital. L’interne qui me prend en charge après trois heures d’attente, une femme, me demande d’un ton exaspéré pourquoi j’ai fais mon test le soir, alors qu’il faut les faire le matin. Je comprends à peine sa question. Puisqu’il est positif ce soir, il le sera encore plus demain matin. Derrière ses paroles bien sûr, il y a juste l’agacement de me voir débarquer en fin de journée, plutôt que d’aller chez mon médecin le lendemain. Ce qui l’énerve, c’est mon angoisse. Car mon urgence n’est pas la sienne.

Ensuite, elle me fait une échographie par voie vaginale, pour la première fois de ma vie, sans rien m’expliquer. Elle me regarde à peine, me fait mal, ne réagit pas quand je lui dis. Elle demande à son externe de m’en refaire une : « pour t’entraîner, mais de toute façon y’a rien à voir ».

Je ne dis rien, je me rhabille, nous rentrons à la maison, dans l’attente des résultats de la prise de sang, qui nous confirmeront la fausse couche.

Depuis, j’ai eu un enfant, j’ai pris de l’assurance, j’ai vieilli.

Mais non … face aux médecins je ne dis rien. J’accepte que leur diplôme et leur position les autorisent à me maltraiter.

La dernière fois, c’était il y a quelques mois. Je suis enceinte de 11 semaines, et hospitalisée pour d’importants saignements. On me prévient que le risque de perdre le bébé est majeur, on ne sait pas ce qu’il se passe et je dois rester allongée et au calme. On m’emmène voir un diabétologue car dans tout ça, il faut aussi s’occuper de mon diabète.

C’est un grand type avec une coupe en brosse, il dirige le service. François pousse mon fauteuil roulant, j’ai pleuré toute la nuit, j’ai le teint gris et je porte une blouse d’hôpital. Je lui précise que je ne parle pas allemand, est ce que l’anglais est possible ? Il ne répond pas, et continue en allemand. Je lui demander deux fois de passer à l’anglais, sans succès. Je ne sais donc pas de quoi il me parle, et je ne peux pas répondre. François réussit à le faire réagir. Victoire.

Je ne vais pas détailler les deux consultations que j’ai eu avec cet homme. En gros, il me dira qu’il perd son temps avec une femme qui ne sait même pas si son bébé est encore vivant. Il me posera donc trois fois la question d’un air agacé : « êtes-vous encore enceinte ? » sans que je sache lui répondre. Il dira aussi qu’on s’en fiche de mon diabète si je fais une fausse couche. Il me montrera mon dossier sur lequel il est écrit « abortus imminens » (menace de fausse couche) pour se justifier. Ensuite, il trouvera que le moment est opportun pour m’informer que mon diabète augmente mon risque d’avoir un jour un cancer du sein. Puis, il jugera également important de me préciser qu’il pense que ma fille est un peu jeune pour aller à la garderie. Et enfin, de revenir dans deux semaines si je suis toujours enceinte.

À chaque petit poignard qu’il m’a planté dans le coeur, en y prenant un plaisir manifeste, j’ai regardé par la fenêtre pour réussir à respirer convenablement, de peur que mon bébé déjà si fragile ressente mon angoisse et mes tremblements. Je n’ai rien dis. Ah si, j’ai ri nerveusement quand il m’a parlé de cancer, parce qu’en effet, ça en devenait drôle. Il a dû se dire que j’étais bien idiote pour me marrer à ce moment là.

Je ne pouvais pas répondre, je ne pouvais pas me lever. J’étais une grosse masse en face de lui, à accepter qu’on s’acharne sur moi, pourtant déjà bien attaquée par les derniers évènements.

Tout ce que j’ai pu faire, mon seul petit acte de résistance, a été d’annuler le rendez-vous qu’il m’a donné.

Mais maintenant, je dois y retourner. Parce que mon bébé a besoin que mon diabète soit mieux pris en charge d’un point de vue médical. Je saurai le jour même si c’est lui que je vois. J’ai une chance sur deux. Je me promets que je ne me laisserai plus atteindre. Que je pourrai lui répondre qu’il n’a pas à me parler comme ça. Ou même, que je me lèverai et partirai puisque cette fois je ne serai plus en fauteuil. Mais franchement, je ne suis pas sûre d’y arriver. Je sais comme on peut être paralysée dans ces moments là, et comme mon indignation ne sert plus à rien.

∗∗∗

Ce qui me fait le plus de peine, c’est de voir le nombre de mes amies qui ont vécu ce genre de scènes. Nous ne disons rien, nous subissons. Nous sommes à peine outrées, parce que nous savons que ce risque existe. Nous avons intégré le plaisir pervers de certains médecins à rabaisser la patiente en face de lui. Et quelle perversité .. quand en face la femme est déjà nue et parfois en détresse. C’est comme ça que nous grandissons ? En sachant que puisque nous sommes des femmes, il y aura des mains au cul dans le métro, des « t’es bonne » dans les hall d’immeuble et des médecins qui nous humilient ? C’est juste « comme ça » ?

Je regrette douloureusement toutes ces fois où je me suis laissée faire, ne me pensant pas assez forte pour réagir. Je suis profondément triste de penser que ma fille va vivre la même chose, et que je ne sais pas lui donner l’exemple.

J’ai envie de garder tout ça, les mots que j’écris aujourd’hui et ma détermination, pour que ça n’arrive plus. J’espère sincèrement y arriver. Je suis avertie, et je compte bien utiliser cette connaissance de la triste réalité pour m’aider à résister et non plus m’aider à accepter.

Et vous, vous avez connu ça ? Vous avez réagi comment ?

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