(Dialogue schizo)
À propos des « piges » et autres frais dus, ou pas, aux écrivains utilisés dans les lieux publics, tels que salons du livre, débats, lectures, festivals et autres manifestations. Rebond sur une polémique lancée par Sébastien Meier dans Le Temps et développée sur les réseaux sociaux et dans Le Courrier sous la plume d’Anne Pitteloud...
Moi l’autre : - Et toi, tu en penses quoi de cette agitation soudaine autour de la nécessité de rémunérer les écrivains en service « commandé » ?
Moi l’autre : - T’as vraiment l’impression que la « chaîne du livre », en Suisse romande, peut être qualifiée de mafia ?
Moi l’un : - C’est évidemment n’importe quoi, mais Sébastien parle en vieux gauchiste et je trouve ça rigolo.
Moi l’autre : - Il est pourtant mal placé pour lancer son coup de gueule, vu que son éditrice de chez Zoé passe pour payer ses auteurs (si,si) et que les libraires ne l’ont jamais traité en paria.
Moi l’un : - Bah, c’est le côté bisounours gâtés de nos jeunes auteurs. Sa polémique est aussi mal cadrée à la base que les attaques de Quentin Mouron contre le milieu littéraire romand, dans La combustion humaine, mais il n’en reste pas moins que la question de la rétribution de certaines prestations de l’écrivain, en certaines circonstances, peut se poser honnêtement. Les écrivains alémaniques, plus « professionnels » ou simplement pragmatiques que leurs homologues francophones, ont plus ou moins réglé la question de façon plus claire...
Moi l’autre : - On demande à JLK ce qu’il en pense ?
Moi l’un : - JLK s’en fout. Ou plus exactement, JLK a le défaut des généreux et des paresseux. C’est un type qui a beaucoup payé de sa personne et de ses services sans compter.
Moi l’autre : - Pourtant c’est bien lui aussi qui répète volontiers que le scout est bon, mais n’est pas poire.
Moi l’un : - Exactement, et tu te souviens du jour où le TJ de la télé romande l’a convié à parler, avant tout le monde, du livre exhumé d’Albert Camus, Le Premier homme, sans lui rembourser le voyage Lausanne-Genève ni lui proposer un kopek de simple « pige » ?
Moi l’autre : - Ah oui, et sa réaction en privé avait été aussi vive que celle de Sébastien Meier, mais il n’en a pas fait une affaire publique. D’ailleurs ce n’était pas en tant qu’écrivain mais que chroniqueur littéraire à 24 Heures qu’il était « invité » ?
Moi l’un : - Exactement, mais l’ambigüité était du même ordre, vu que les gens de la télé estimaient lui faire honneur en l’accueillant au fenestron…
Moi l’autre : - Pour en revenir aux écrivains sollicités « professionnellement », faut-il alors, selon toi, les rétribuer, et quand, et comment ?
Moi l’un : - Quand JLK, conseiller littéraire de la société Arts et Lettres, à Vevey, proposait l’accueil d’écrivains pour une soirée genre présentation personnelle, débat ou conférence, cela ne se discutait pas : l’auteur était payé, 500 francs de l’époque (dans les années 80-90), défrayé pour son voyage et son séjour à l’hôtel, plus un repas d’accueil avec les gens du comité. Mais l’entrée était payante, et il y avait parfois plus de 100 personnes dans la salle, avec des « pointures » style Yves Bonnefoy, Michel Butor, Georges Haldas ou Anne Cuneo.
Moi l’un : - Anne, à l’école alémanique, avait son tarif de base : 800 francs le show.
Moi l’autre : - Et Kenneth White, on cafte ?
Moi l’un : - C’est là que JLK a trouvé qu’on en demandait trop au scout et qu’il a cessé de collaborer à l’institution veveysane. La « star » en question exigeait une somme astronomique, et le comité a commencé à moduler ses « piges » selon la notoriété de l’invité. Avec la pige obtenue par le «géo-poète », Sébastien Meier aurait pu se payer une 2CV neuve…
Moi l’autre : - Est-ce à dire qu’il faille fixer une Pige de Base Inconditionnelle (PBI) pour chaque prestation demandée à un écrivain ?
Moi l’autre : - La question de la rétribution des écrivains relève-t-elle de la politique ?
Moi l’un: - Sûrement, si la prestation passe par les réseaux liés à la politique, comme Pro Helvetia ou l’Office de la culture. Mais dans le domaine de la culture actuelle, où la situation est constamment embrouillée par les aléas et autres fluctuations du marché et du « star-system », il paraît aussi difficile que faux d’établir je ne sais quel « salaire de base » officiel…
Moi l’autre : - Pourquoi faux ?
Moi l’autre : - Ouais, là tu prends le pire exemple. Comme journaliste, le même JLK s’est fait « oublier » par la société des rédacteurs en prétendant que la corporation était surpayée… grave le JLK. Mais comment conclure plus sérieusement ?
Moi l’un : - Tu as envie de conclure ? Moi pas.
Moi l’autre : - Ni moi. Ah mais, Lady L. nous appelle à table !
Moi l’un : - Eh, chic, mais c’est payé ça ?