J'ai montré des photos, ici, à cet endroit et là. Et j'en ai reparlé aussi de temps en temps, comme il y a quelques jours.
Mais qu'en ai-je dit ? Maintenant, les grues sont entrées, les marteaux-piqueur* ont fait leur travail, et les cinq gigantesques plaques métalliques sont parties.
Je n'ai pas fait de photo de la dernière image que j'en aurais. Ces plaques ont disparu dans la lumière, la halle illuminée vue de l'extérieur, derrière les girophares des camions remplaçant les promeneurs solitaires qui erraient dans le labyrinthe sans mur que Richard Serra a recréé, dans lequel j'ai mis des semaines à me perdre - à m'y abandonner, enfin.
Leur surface, douce, sensuelle, et pourtant le fruit de ce que l'on ne peut qualifier avec René Char que d'artisanat furieux. La violence tellurique, la genèse rougeoyante et terrifiante, devenue velour sous la main, métal chauffé par le soleil du jour rendant le soir lorsque la matière se perd dans l'obscurité sa chaleur bienfaisante.
Leur forme simpliste qui s'anime, leurs lignes droites qui deviennent courbes, ces volumes pleins qui disparaissent dès qu'on leur tourne autour, ces volutes de métal qui s'élèvent tendrement du sol et forment un ballet contre toute gravité, toute existence autre, tout extérieur de cette halle hors du temps.
Les discussions terre à terre qui m'entourent ne me touchent plus - ne reste que le métal. Et le ciel accueillant.
* En pushy pushy, on appelle ça un skoubounioul mais je crois que c'est incorrect d'un point de vue politique.