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Mémoire vive (99)

Publié le 13 juin 2016 par Jlk

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À La Désirade, ce mardi 1er mars. – La possible élection d’un Donald Trump, au poste de président des Etats-Unis, a de quoi faire trembler le monde entier, mais je n’arrive pas à croire que les Ricains en arrivent à ce fond de régression, pire en somme que celui où était descendu un George W. Bush. Pourtant sait-on jamais ? Quant à moi je lis tranquillement les nouvelles d’Un ange sous le pont, de John Cheever, qui incarne à mes yeux le meilleur de la littérature américaine, du côté de Tchékhov.


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Que le sexe pour le sexe est en somme une variété de la gymnastique (surtout dans sa variante homosexuelle) avec une composante obsessionnelle inévitable côté psychisme et sensibilité fine - et la boîte de Pandore s'ouvre à cette enseigne par le fait de l'inassouvissement, etc.


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Je fais retour à Tchékhov une fois de plus, mais cette fois par Bounine, qui a été son disciple et son grand ami de 1895 (il avait 25 ans) à 1904, date de la mort d'Anton Pavlovitch. Tchékhov est le meilleur antidote aux mensonges de l'idéologie politique et religieuse.


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Faire pièce, sur Facebook, à toute forme d'indiscrétion, autant que toute connivence prématurée. Déjouer les questions privées autant que les aveux indésirables.


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J'ai été intéressé par le film Spotlight, qui évoque le scandale des prêtres pédophiles dénoncés à Boston par le journal local, au dam de la hiérarchie ecclésiastique. À un moment donné, l’un des 80 ( !) prélats incriminés, surpris à sa porte avant que sa sœur ne vienne l’arracher aux journalistes indiscrets, ose dire, en sa candeur imbécile, qu’en somme il aidait ces jeunes gens un peu perdus, etc. Cela étant, le film a aussi le mérite de montrer que, des décennies durant, « la société », et le journal lui-même, ont fermé les yeux sur ces faits dénoncés par des personnages jugés « peu fiables », etc.


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Plus je vais et plus je me rends compte de l'importance, dans mon fonds personnel, de la littérature et de la pensée russe. Cela a commencé avec Berdiaev et Tchékhov, et cela n'a cessé de se développer de tous côtés, par Dostoïevski et Tolstoï, Biély et Leonov (entre 1967 et 1970, avec Pétersbourg et Le Voleur, tous deux parus à L'Âge d'Homme) et ensuite Rozanov, Chestov et tant d'autres, jusqu'à Zinoviev et Svetlana Alexievitch ces tout derniers temps.


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Ce que Tolstoï pensait des écrivains de son temps, Tchékhov compris: des gamins. Seul Shakespeare trouvait grâce à ses yeux, qui avait cependant le tort de ne pas écrire comme lui.


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Anecdote plaisante: lorsque Tchékhov essaie un pantalon avant de se présenter chez Tolstoï: celui-ci est trop serré, il va me prendre pour un gandin, celui-la est trop large, comme la mer Noire - Tolstoï va dire que je suis culotté!
Ensuite, à la fin de sa visite à Tolstoï celui-ci lui murmure à l'oreille: « Je ne peux pas supporter vos pièces. Shakespeare écrivait comme un cochon. Mais vous, c'est pire. »


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Ce qui m'a toujours tenu debout: la nature, la lecture et l’écriture.


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D’un oeil je lis Glamorama de Bret Easton Ellis, soit six cents pages très rythmées et pimentées sur le milieu branché de la mode et du spectacle à New York, où l’on voit tout le gratin du monde « culturel » défiler, plus ou moins camé, et de l’autre, Les cercueils de zinc de Svetlana Alexievitch, où se concentrent toutes les détresses, souvent désespérées, des rescapés de la guerre en Afghanistan, veuves et fiancées comprises. Or l’on pourrait croire que cette dernière lecture, lestée de souffrance humaine, éclipse l’aperçu du Satiricon américain, bonnement écoeurant de vanité superficielle et de stupide brillance, mais non, et c’est la vertu de la littérature que de nous le rappeler : que tout fait humain peut revêtir de l’intérêt pour peu qu’un écrivain sérieux le ressaisisse.


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Drôle de société que la nôtre, qui a développé des moyens de communication sans précédent, et dont les individus communiquent si peu en réalité


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Un reportage très substantiel, paru dans The Guardian, documente la personnalité complexe de John Cheever, à propos d’une biographie récente, par le truchement de rencontres avec sa fille Susan et son fils benjamin, ainsi que de la veuve de l’écrivain. Je lisais, ce matin encore, une nouvelle épatante de Cheever, l’un de mes auteurs américains préférés avec Alice Munro et Annie Dillard – en tout cas dans cette génération d’après celle de Faulkner & Co -, et je souris maintenant que d’aucuns aient été stupéfaits, déçus ou choqués d’apprendre que l’homme ait été un alcoolique invétéré et un bisexuel tourmenté, comme si cela changeait quoi que ce soit à ses écrits.


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Il y a tout ce qu’on a noté pour fixer le sentiment ou la sensation d’un instant, et puis il y a tout le reste qui a été involontairement omis (on ne peut pas tout dire, etc.) ou qu’on a sciemment évité. Or c’est ce non-dit, volontaire ou non, qui m’intéresse aujourd’hui.


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L’excitation médiatique, ou plus largement commerciale, fait qu’il est aujourd’hui difficile à un écrivain ou un artiste de ne penser qu’à La Chose sans arrière-pensée sociale ou financière ni rêve de succès ou de gloire si possible immédiats. Un jeune écrivain, de nos jours, doit impérativement se soucier de son look, et cela déjà fausse le jeu entre ceux qui ne paient pas de mine ou refusent de souscrire à ces codes, et celles ou ceux qui ont a priori le profil de candidats à la Star Academy littéraire…


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J’ai de plus en plus envie, ces derniers temps, de raconter des histoires, et cela me reprend ce matin en lisant une nouvelle comique de Tchékhov (Le jugement) et une autre de John Cheever évoquant la jalousie d’un brave imbécile aux prises avec sa jeune femme qu’il appelle « maman ». En matière de narration, les exemples de Tchékhov, Alice Munro ou John Cheever, auxquels j’ajouterai encore Raymond Carver, sont aujourd’hui mes meilleurs repères en vue d’un nouveau recueil de nouvelles, sans qu’il s’agisse évidemment de les imiter en rien, sinon dans leur effort commun de transposer les faits bruts de la réalité, et autres anecdotes, en motifs littéraires significatifs.


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En relisant Les Bonnes dames, je me dis que le narrateur est trop proche de l’auteur, et que là se trouve la limite de ce récit-roman, relevant plutôt de la chronique autobiographique frottée d’humour.


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On adapte Céline au cinéma tout en se dédouanant : ah mais quel salopard, etc.


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Les gens de l'UDC prétendent incarner le peuple, contre leurs adversaires classés bobos. La distinction est impayable. L’avocat genevois cul pincé Nydegger incarne le peuple. Blocher le milliardaire incarne le peuple. Freysinger le prof démago incarne le peuple. À se tordre…


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Notre époque, est notamment via l’Internet et les réseaux sociaux, a largement ouvert les vannes de l’indiscrétion, au point que nous sommes tous devenus, à notre corps plus ou moins défendant, de redoutables paparazzi et des voyeurs plus ou moins forcés. Je m’efforce de ne point trop juger de la chose en moraliste catégorique et courroucé, style Finkielkraut, mais le fait est là, objectivement obscène, et d’autant plus que tout relève désormais de la mise en scène monnayée, invitant tout un chacun(e) à vendre son image et les multiples avatars de son théâtre intime. Nous ne mesurons pas encore les implications et conséquences de cette exhibition forcenée, me semble-t-il, et je ne crois pas que la morale traditionnelle soit la bonne réponse à cette mutation de nos représentations personnelles. Mais qu’en dire de plus aujourd’hui, sinon par le détail et cas par cas ? En commençant, par exemple, par l’intrusion de la webcam dans les maisons…


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Un jour que je me trouvais en plein désarroi, après la publication de mon premier livre, vers les années 75-76, et ne sachant comment avancer dans un « roman en chantier », Dimitri m’avait conseillé de me débrider quitte à écrire, à propos de notre vie de jeunes gens, un roman à caractère pornographique. Or la remarque m’a blessé plus qu’elle ne m’a été d’aucun recours. Venant d’un pornographe avéré à la Bukowski qui m’aurait recommandé d’écrire sans précautions et de « tout déballer », comme il le faisait lui-même, je l’aurais bien pris ; mais venant d’un ami si proche et si moralisant à l’ancienne, en dépit de sa propre vie de cavaleur, cela m’a réellement déçu et choqué.


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Pourquoi ai-je toujours été intéressé par les journaux intimes et les correspondances d’écrivains, et cela dès mes dix-neuf, vingt ans ? Parce que la vie littéraire et les secrets d’alcôve des écrivains m’intéressaient ? Pas vraiment. Parce que les anecdotes de la vie m’attiraient plus que les œuvres ? Absolument pas. Disons plutôt que le mélange des vies et des voix, des douleurs personnelles et de leur expression, de l’immédiateté de la perception et de la relation directe m’ont passionné du point de vue (d’abord peu conscient, ensuite plus lucide) d’une phénoménologie existentielle modulant une littérature, non pas brute mais très proche de l’écrivain se livrant en (quasi) toute sincérité, comme Marcel Jouhandeau dans ses Journaliers, Paul Léautaud en son Journal littéraire ou Jules Renard dans le sien.
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Je lis, sans discontinuer, les écrits « marginaux » de Tchékhov, réunis sous le titre de Carnets et de Conseils à un écrivain, ce dernier recueil étant assorti d’un aperçu biographique intéressant de Natalia Ginzburg. Tchékhov est le plus constant et le plus sûr de mes compères de papier depuis quelque cinquante ans, qui me ramène à tout coup à la réalité loyalement approchée, sans idéologie ni maniérisme littéraire, face au monde tel qu’il est.


Ce mercredi 23 mars. – Ce soir ont débarqué Florian R***, mon ami savoyard rencontré sur Facebook, et son compère Thomas B***, vulcanologue établi aux Antipodes, qui nous ont fait d’emblée la meilleure impression. À côté de Florian, grand flandrin à dégaine de rugbyman, non moins que sensible et généreux, Thomas, très fin lui aussi, est riche d’une expérience qui m’intéresse d’autant plus qu’elle est d’un scientifique travaillant sur le terrain, dans une île des Antipodes. Après une excellente fondue signée Lady L., nous avons passé une excellente soirée, amicale et intéressante. Etc.


Ce jeudi 24 mars. – Petit déjeuner avec Lady L. et les lascars. Belle lumière matinale. Bonne discussion. Thomas nous a montré des images des volcans de l’île de Vuanatu, parues dans une revue de voyages allemande où il apparaît en combinaison ignifuge évoquant la tenue d’un scapahandrier ou d’un cosmonaute. Il nous écrit la vie encore archaïque des Canaques de l’île, vivant à peu près en autaracie au pied des volcans, et débarquant parfois tout nus dans les rues et les commerces de la bourgade locale. De son côté, Florian m’a gâté en m’offrant la biographie de Simon Leys.


Ce dimanche de Pâques, 27 mars. – Après une fin de nuit insomniaque (trop sifflé de rouge hier soir), j’ai repris, vers 5 heures du matin, la lecture de L’Ambassade du papillon, dont Florian, auquel je l’ai offert lors de son passage, m’a parlé sur Messenger, y voyant un modèle du genre dans le registre des carnets. Pour ma part, cette lecture m’a impressionné par la foison de détails (oubliés) que j’y retrouve, et qui me donne envie de reprendre cette pratique avec la même intensité et le même dédain d’une lecture tierce. Autrement dit : revenir à l’injonction du tout dire, quitte à faire une distinction plus sévère que naguère entre ce qui peut être publié et ce qui ne doit pas l’être de mon vivant.


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Les éditeurs, les critiques, la famille, ses enfants et sa femme se tortillent passablement en évoquant le contenu des Journals de John Cheever, parus avant une grande biographie récente et dont les pages consacrées aux « vices » de l’écrivain, à savoir son alcoolisme invétéré et sa bisexualité plus ou moins occultée, suscitent autant de gêne qu’ils ont valu de tourments à l’auteur. Or tout cela me paraît un peu lourdement souligné, avec ce mélange de curiosité offus quée et de compréhension forcée qui sied en pays puritain, mais il va de soi que le même genre d’attitude se retrouverait en France, en Allemagne ou en Suisse – ne parlons pas de l’Italie ou de l’Espagne. Et puis quoi ? Et puis rien. Bookchat


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C'est en voyageant qu'on peut le mieux éprouver la qualité d'une relation intime et sa longévité possible, il me semble; en tout cas c'est ce que j'ai vérifié dès le début de notre vie commune, avec ma bonne amie, qui voyage exactement comme je le conçois, sans jamais se forcer. Le plus souvent nous nous laissons un peu plus aller, en voyage, que dans la vie ordinaire: nous sommes un peu plus ensemble et libérés assez naturellement de toute obligation liée à la convention du voyage portant, par exemple, sur les monuments à voir ou les musées. Nous ne sommes naturellement pas contre, mais nous ne nous forçons à rien. Il va de soi qu'il nous est arrivé, par exemple à Vienne lors d'un séjour de nos débuts passablement amoureux, ou traversant la Suisse après la naissance de Sophie laissée à nos parents, ou plus tard en Toscane ou en Allemagne romantique, à Barcelone ou à Louxor, en Provence ou à Paris, de visiter tel formidable monument ou telle collection de peinture d'exception (le Römerholz de Winterthour, un jour de forte pluie), mais ce ne fut jamais sous contrainte: juste parce que cela nous intéressait à ce moment-là.
Avant ma bonne amie, jamais je n'ai fait aucun voyage avec quiconque sans impatience ou énervement, jusqu'à l'engueulade, si j'excepte notre voyage en Catalogne avec celui que j'ai appelé l'Ami secret dans Le coeur vert, ou quelques jours à Vienne avec mon jeune compère François vivant la peinture comme je la vis.
Or ce trait marque aussi, avec l'aptitude à voyager en harmonie, l'entente que nous vivons avec ma bonne amie, avec laquelle je vis la peinture en consonance; mais rien là qui relèverait de je ne sais quel partage culturel: simplement une façon commune de vivre la couleur et la "vérité" peinte, la beauté ou le sentiment que nous ressentons sans besoin de les commenter.


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Ma bonne amie est l'être le moins snob que je connaisse. Lorsque je sens qu'elle aime un tableau ou un morceau de musique, je sais qu'elle le vit sans aucune espèce de référence ou de conformité esthétique, juste dans sa chair et sa perception sensible, son goût en un mot que le plus souvent je partage sans l'avoir cherché.
Et c'est pareil pour le voyage: nous aimons les mêmes cafés et les mêmes crépuscules (un soir à Volterra, je nous revois descendre de voiture pour ne pas manquer ça), les mêmes Rembrandt ou les mêmes soupers tendres (cet autre soir à Sarlat où elle donna libre cours à son goût marqué pour le foie gras) et ainsi de suite, et demain ce sera reparti destination les Flandres pour une double révérence à Jérôme Bosch et Memling, et ensuite Bruges et Balbec, la Bretagne et Belle-Île en mer, jusqu'au zoo de la Flèche et ses otaries...


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Ce mercredi 30 mars. - L'idée de repartir nous est venue à l'annonce de la grande expo consacrée à Jérôme Bosch dans sa ville natale de Bois-le-Duc, mais ce n'était qu'un prétexte: l'idée était plutôt de bouger, ou plus exactement: de se bouger, de faire diversion, de faire pièce à la morosité (?) de cette fin d'hiver, de ne pas nous encroûter, enfin bref l'envie nous avait repris de faire un tour comme en novembre 2013 , sans autre raison, nous étions partis sur les routes de France et d'Espagne, jusqu'au finis terrae portugais de Cabo je ne sais plus quoi (!!) et retour par l'Andalousie et la Provence au fil de 7000 bornes (!!!) mémorables - je le dis parce que c'est vrai alors que je ne me rappelais rien, mais nib de nib, de notre première escale à Colmar avec les enfants il y a vingt ans de ça...
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Cette année-là, déjà, les gens nous avaient recommandé de profiter, et déjà cela m'avait horripilé, comme de nous voir souhaitées de bonnes vacances. De fait et je le dis comme je le ressens: nous ne sommes plus à l'âge des vacances (notion que j'abhorre d'ailleurs) et l'idée de profiter me gâte le plaisir d'être simplement et de vivre le mieux possible malgré la conscience lancinante de l'atrocité de la vie subie par tant de gens et nos corps qui se déglinguent.


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Ce jeudi 31 mars. - Devant le Christ en croix de Grünewald figurant sur le retable d'Issenheim, l’on reste évidemment saisi et silencieux - saisi par la profonde beauté de cette scène supposément hideuse de la crucifixion de la bonté incarnée, et silencieux de respect compassionnel en se rappelant les milliers de malheureux recueillis par les frères antonins que la vision du Seigneur souffrant et des deux petites femmes agenouillées à ses pieds (Marie la mère et Marie-Madeleine notre sœur pécheresse) aidait à supporter leurs nodules douloureux et leurs purulentes pustules.


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Comme le Christ gisant du jeune Holbein à Bâle, le crucifié de Grünewald (nom incertain, comme celui d'Homère, d'un artisan peintre génial qui était aussi savonnier à ses heures) est d'un réalisme halluciné dont la fiction dépasse la réalité de l'humanité douloureuse de tous les temps, sans rien du dolorisme sentimental des figurations soft.
La souffrance du Christ de Grünewald est le plus hard moment à vivre les yeux ouverts, mais ce n'est qu'un moment de la sainte story, comme Lampedusa ou Palmyre (ou Grozny où le jardin public des enfants récemment massacrés au Pakistan) ne sont que des moments de la crucifixion mondiale.
Ensuite la visite continue, comme on dit, vous rebranchez votre guide audio, vous passez de l'autre côté du retable et là le cadavre terrible s'est transformé et transfiguré en un athlète doré qui s'envole dans la nuée orangée et c'est l'alleluia du Paradis de Dante où les démons grimaçants n'ont pas plus accès que les Salaloufs de Daech...


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Notre Honda Jazz blanche a la dégaine d'une souris d'ordinateur. Lady L. en assure la conduite, pendant que je nous fais diverses lectures, avec l'aide d'une autre copilote électronique parlant comme d'un nuage. Miracle tout humain de la technique, mais c'est Notre Lady seule qui d'un coup de volant évitera le motard kamikaze qui vient de jaillir d'entre deux poids lourds.
Or je lisais, au même instant et pêle-mêle en alternance, un papier du Monde où il est question du dernier livre de Gérard Chaliand déplorant le nouvel art occidental de perdre la guerre (la faute aux politiques tellement moins conséquents que les militaires de carrière et les poètes), un exposé historique du temps de Grünewald suivant celui de Dante et recoupant celui de Jérôme Bosch sur fond d'empire romain-germanique et de chrétienté soudain secouée par la Réforme, un chapitre revigorant d'un Bob Morane trouvé dans une bouquinerie de Colmar, un reportage sur le recyclage des déchets péchés en Méditerranée aux fins de tissages de haute couture, quelques pages de divers livres supportant plus ou moins la lecture orale et le début très scotchant (sur e-book) du dernier opus d'Emmanuel Carrère évoquant une tentative de matricide assez bouleversante - et la Moselle apparaissait en contrebas des monts boisés, et la Jazz survolait Verviers tandis que la copilote donnait ses ordres de sa voix d'hôtesse de l'air: à 300 mètres vous avez un précipice que vous tournez par la droite et ensuite vous allez dans le mur si vous ne m'obéissez pas...


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