Revue de presse BD (195)

Publié le 16 juin 2016 par Zebralefanzine @zebralefanzine

Une du "Harper's weekly" par Thomas Nast (représentant le Père Noël, que Nast contribua à rendre célèbre).

+ Le musée Tomi Ungerer de Strasbourg expose (jusqu'à fin octobre) Thomas Nast (1840-1902), considéré comme le précurseur de la caricature américaine et inventeur, notamment, du personnage de l'Oncle Sam, personnification des Etats-Unis d'Amérique. Ce dessinateur originaire de Bavière vint s'installer à New York avec sa mère à l'âge de six ans ; beaucoup d'artistes américains, dans le domaine du dessin de presse, venaient d'Allemagne ou d'Europe de l'Est.

On peut se demander si la faiblesse de la caricature aux Etats-Unis, tant sur le plan du dessin que de la satire, ne vient pas de la culture démocrate-chrétienne ; celle-ci confère en effet à la politique une dimension spirituelle qui contribue à ennoblir exagérément l'action politique. On constate que les caricaturistes américains sont des caricaturistes politiques ("Editorial cartoonists"), eux-mêmes impliqués dans les stratégies partisanes, et qui se font un devoir de commenter les moindres péripéties de la vie politique ; Plantu est un exemple de cette manière américaine de caricaturer. Les cartoons américains présentent de ce fait peu d'intérêt pour qui ne connaît pas bien la vie politique américaine. Les caricaturistes en Europe, surtout en Angleterre, en France et en Italie, sont plus "anarchistes" ou du moins méfiants vis-à-vis du personnel politique et des utopies politiques optimistes.

+ Une exposition consacrée à des illustrateurs russes pendant la période soviétique nous apprend que certains artistes (Vladimir Lebedev) firent le choix, sous Staline, d'illustrer des livres pour enfants afin d'échapper à la répression de la police politique à laquelle d'autres choix artistiques pouvaient les exposer.

+ Les admirateurs de Hergé connaissent son goût pour l'art contemporain, en même temps que les complexes qu'il nourrissait vis-à-vis des artistes exposant dans des galeries ou des salons. Le commerce de l'art contemporain est le sujet de du dernier album inachevé, "Tintin et l'Alph-Art". On annonce une exposition au Grand Palais après l'été sur ce thème. On a tort de ne pas considérer Hergé comme un artiste abstrait ; la bande-dessinée, destinée aux enfants, ne repose pas tant sur le dessin que sur l'animation des personnages, comme le dessin-animé. Hergé n'est pas un grand dessinateur, en revanche c'est un styliste exceptionnel, deux caractéristiques que l'on retrouve souvent chez les artistes modernes dits "abstraits". 

+ Le moins qu'on puisse dire, c'est que Robespierre (1758-1794) n'a plus la cote. Le président de la République préfère même invoquer un autre "nordiste", Charles de Gaulle, malgré le penchant de ce dernier pour la monarchie. Le célèbre conventionnel révolutionnaire natif d'Arras est en effet ces derniers temps la cible d'attaques répétées de la part d'intellectuels de gauche en vue, dont Michel Onfray et Raphaël Enthoven ; au micro d'"Europe 1", ce professeur de philosophie a même comparé Robespierre à... Pol Pot. Bien sûr, on invoque dans ce cas-là la Terreur, cruelle et sanglante, dont Robespierre fut un des principaux instigateurs. Mais, tandis que la Terreur fit quelques dizaines de milliers de victimes (40.000 ?), le régime de Napoléon en fit, lui, des millions, et cela n'empêche pas la République française d'entretenir son culte, ni maints plumitifs d'écrire des hagiographies du tyran corse (heureusement illisibles). Et que dire des Soviets, dont le bilan est parmi les plus lourds, mais dont le régime violent et brutal exerça néanmoins une grande séduction sur le gratin des intellectuels et des artistes français. Comme quoi il faut bien distinguer le roman national républicain de l'histoire... et se méfier des professeurs de philosophie. 

Ill. de V. Lebedev pour un conte de Kipling.