Yves, Papa est toujours resté un mystère pour mes frères et moi, il était " taiseux " et chaque tentative pour lui faire parler de sa jeunesse ne se soldait que par quelques mots. J'ai petit à petit tracé un canevas que je tentais de compléter chaque fois que je le questionnais.
Sur sa petite enfance, évidement pour l'avoir connu, je sais qu'il a eut un petit frère né deux ans après lui le 2 juillet 1930 Robert. Mon père se souvenait que sa famille habitait route de Lens à Beuvry que dans la maison il y avait 4 chambres dont 3 étaient occupées. Sa chambre était très grande, il y avait un train électrique avec " la gare de Titiville " fabriquée et baptisée par mon grand-père. Il y avait aussi un grand jardin où chacun avait son carré à
Il allait à l'école à Saint Waast à Béthune en profitant du ramassage scolaire dans un bus fourni par la compagnie des mines de Béthune ou mon grand père Gustave était ingénieur.Il se souvenait qu'il était enfant de chœur.
Mon père a été scout et lorsque je lui demandais pourquoi il avait décidé de faire du scoutisme jusque jeune adulte (il est devenu chef scout), il me disait que pendant la guerre il avait fait du scoutisme en fraude car c'était alors interdit par les allemands et a eu envie de continuer. Ils organisaient leurs camps à Sailly un château des mines où la famille avait été accueillie pendant les bombardements.
Justement la guerre de 1939-1945, encore plus difficile de faire raconter Papa... ce ne sont que des petites phrases, " Les bombardements parfois sur la route de l'école quand j'allais en vélo à l'école" , la maladie de son père Gustave qui avait été victime vers 1915 d'une encéphalite léthargique (qui est une variété rare d'encéphalite virale, qui a sévi dans le monde sur un mode épidémique au début du XX e siècle entre 1915 et 1926, c'est une maladie connue pour laisser chez certains patients des séquelles neurologiques invalidantes et définitives : il s'agit d'un syndrome parkinsonien si bien que les victimes ont l'apparence de statues, privées de parole et de mouvements). Cette maladie s'est réveillée chez mon grand-père lors d'un bombardement sans doute en 1944, ils ont alors vécu l'exode, se sont réfugiés chez le frère de Jules à Paris puis sont allés jusqu'en Auvergne comme me l'a raconté Monique une cousine germaine de mon père :
" Dans notre enfance, mon frère Jacques, ma soeur Nicole et moi avons souvent passé nos vacances avec nos cousins Yves et Robert Druesne, tantôt chez eux à Beuvry, tantôt dans des locations d'été; nos mères, les deux soeurs Germaine et Aime-Marie, s'entendaient trés bien. Cela se passait avant la guerre de 1939-1945 ou juste après. Ils sont venus avec leur mère (leur père étant mobilisé) nous rejoindre au mois de Juin 1940 à Semur-en-Auxois, près de Dijon, où nous avions passé l'année 1939-1940, de peur de bombardements à Nancy. Notre grand-mère Marthe Silice et sa soeur, notre grand-tante Alice Gaiffe nous y ont retrouvés aussi, ainsi que mon père, Henri Lemoine venu, lui, en vélo depuis Nancy. C'était la panique dans toute la France, envahie petit à petit par l'armée allemande,et presque tous cherchaient à s'enfuir... N'ayant pas de voiture, toute la famille a embarqué dans un train de marchandises vide : nous y avons passé avec beaucoup d'autres personnes 4 jours dans un wagon à bestiaux, avec de la paille sur le sol pour dormir, et bien peu de nourriture trouvée dans les gares. Le train était plus souvent à l'arrêt qu'en marche et il y a eu quelques bombardements qui l'ont fait démarrer précipitamment. Partis le dimanche 16 juin, nous sommes arrivés le jeudi 20 Juin à Saint-Étienne où la Croix-Rouge nous a accueillis, avec bien d'autres, dans des salles de classe : le train n'allait pas plus loin.Nous avons eu la chance de nous voir prêter rapidement un appartement où nous avons logé pendant 2 mois, les 5 enfants de 8 à 13 ans
couchant par terre sur le tapis du salon... Mon oncle Gustave, dont ma tante n'avait aucune nouvelle (était-il mort ou vivant, libre ou prisonnier ?) a pu nous y retrouver, grâce à la Croix-Rouge, après s'être échappé d'un camp de prisonniers de guerre, et la famille Druesne a pu repartir au complet pour Beuvry. "
Papa m'a parlé du fait qu'en tant qu'ainé, il aurait pris en charge sa famille pendant la maladie de son père (qui en a gardé des séquelles jusqu'à sa mort) pour trouver de la nourriture pendant la guerre, il a alors 16 ans.
C'est tout ce que je sais de l'enfance de mon père qui est décédé en 2013.