Chers amis graoulliens, ça ne sert à rien de se le cacher : je suis extrêmement fatigué, en ce moment : c’est pourquoi il n’y a pas eu de rubrique la semaine dernière et c’est pour la même raison que j’ai décidé de prendre quelques vacances. Alors, pour rattraper mon absence de dimanche dernier et clore la saison 2015-2016 en beauté, je vous offre, exceptionnellement aujourd’hui, la QUINZAINE du professeur Blequin !
LUNDI 20 JUIN
Bien entendu, le meurtre de la députée britannique pro-européenne, survenu à quelques jours du scrutin sur l’éventuel départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, n’a pas manqué de donner du grain à moudre aux adeptes de la théorie du complot… Opposer des preuves formelles à ces propagandistes ne sert à rien : il suffirait pourtant de souligner que si certains faits sont troublants, c’est précisément parce qu’ils sont uniques ! Il existe, chaque jour et partout dans le monde, quantité de circonstances où un attentat bien placé serait de nature à servir les intérêts d’une puissance quelconque et où il ne se produit pourtant jamais rien de tel ! Les non-faits sont souvent aussi instructifs, sinon plus, que les faits eux-mêmes…
J’avais d’abord cru à une énième image due à un bidouilleur habile surfant sur le « Hollande bashing », mais quand j’ai vu des affiches présentant aussi Sarkozy et Merkel, j’ai compris qu’il n’en était rien : il s’agissait bel et bien de la nouvelle campagne de pub du journal Voici qui se sert sans vergogne de l’image de politiciens pour faire sa promotion… L’honneur de ces grandes gueules et la crédibilité de la fonction présidentielle, j’en ai rien à secouer ; en revanche, je veux bien être pendu si ces messieurs-dames ont donné un semblant d’autorisation pour que leur image soit ainsi exploitée : voilà donc un campagne qui résume bien la ligne éditoriale de ce torchon depuis sa création, à savoir se servir de la célébrité des autres pour faire du pognon. Il parait que c’est totalement banalisé, mais moi, ça me choque comme au premier jour !
MARDI 21 JUIN
Les nouvelles placettes à l’entrée du quartier de Recouvrance (Brest) ont été inaugurées : je pourrai dire, avant de mourir, que j’aurai vu le maire, François Cuillandre, surnommé « le mouton molènais » par ses adversaires, chanter « Fannny de Laninon » et « la complainte de Jean Quéméneur » en compagnie des Goristes, ces chansonniers brestois qui ne l’épargnent pourtant guère… Il faut croire que l’attachement sincère à la ville gomme toutes les divergences ! Renseignement pris, il parait que Cuillandre avait interprété ces célèbres chansons populaires le soir de sa réélection ; on l’a échappé belle : avec Bernadette Malgorn, on aurait eu droit à du Michel Sardou !
Toujours à Brest, à l’occasion de la fête de la musique, Straeklin, le nouveau groupe de mon ami Douglas Hinton, s’est produit sur la place Charles-De-Gaulle. Voilà du bon « heavy rock », vif et entraînant, qui nettoie nos oreilles souillées par la soupe que nous sert la bande FM ! Ne ratez pas leur EP !
MERCREDI 22 JUIN
Pour soutenir des enseignants qui, bien que mariés et pères et mères de famille, risquent d’être mutés à Pétaouchnok en vertu d’une décision imbécile de leur administration, j’ai accepté de signer une pétition en ligne : imaginez donc ma consternation quand j’ai découvert que le site hébergeant la pétition en proposait d’autres aux objectifs nettement moins sympathiques : « Soutenir notre police nationale » ; « dissolution de la CGT et redéfinition du syndicalisme en France », « Abrogation de la loi Taubira et interdiction du mariage pour tous »… Mais le pompon est décroché par celle-ci : « appel à l’armée française – destitution du gouvernement pour haute trahison envers la nation » ! Non, vous ne rêvez pas : il y a bien des gens qui mettent en ligne des pétitions pour appeler un coup d’État militaire ! Pour reprendre une célèbre réplique des Valseuses, « pas de doute, on est bien en France » !
Représentation à Nantes des Pas perdus par le groupe Epuorg ; j’ai ainsi eu l’occasion de découvrir les talents de comédienne de ma meilleure amie et, accessoirement, les mille ressources d’un texte, apparemment rébarbatif, pour peu qu’il soit bien joué. Pas besoin de dépenser ses sous ou de se presser aux grands théâtres parisiens pour savourer les fruits de l’art dramatique : quand on sait se renseigner, on peut découvrir des merveilles, à deux pas de chez soi et pour pas un sou ! Ne méprisez pas trop vite les spectacles que donnent les Maisons de Quartier…
JEUDI 23 JUIN
Je reste quelques jours à Nantes auprès de ma bonne hôtesse : l’occasion de visiter le musée d’histoire de la ville qui, installé dans le château des ducs de Bretagne, renferme de vraies merveilles. Mais il faut plus d’un après-midi pour tout voir : il est vrai que Nantes, ville entre terre et mer, sise au carrefour de plusieurs régions, a plus d’une facette à nous révéler. Peut-être par réflexe de gourmand, je craque pour l’évocation de la biscuiterie LU…
Le Petit Journal, dernière. Il serait malhonnête de nier tout mérite à la bande à Yann Barthès, mais je persiste à dire qu’on a beaucoup exagéré leur puissance subversive : à l’exception de quelques-uns, qui ne sont pas réputés pour être les plus fins du « personnel politique » (Mélenchon, Balkany, Morano, etc.), les politiciens n’avaient pas été long à comprendre que cette équipe qui mettait en valeur leurs petites maladresses les rendait plutôt sympathiques et leur rendait plus service qu’autre chose, ne serait-ce qu’en faisant parler d’eux alors même qu’ils n’ont rien à proposer ! De toute façon, étant donné que T.F.Bouygues leur ouvre ses portes et que c’est Jean-Pierre Pernault lui-même qui s’est chargé de leur souhaiter la bienvenue lors de leur dernière émission sur Canal… On est quand même loin de l’image qu’on se fait de vrais satiristes, vous ne trouvez pas ?
VENDREDI 24 JUIN
Putain de bordel de merde, plutôt mauvais, comme réveil… Nom de dieu, c’était pourtant une belle idée, de faire s’unir les pays d’Europe afin qu’ils ne fassent plus la guerre ! Qu’est-ce qu’ils en ont fait, ces cons, pour en dégoûter à ce point les gens ! Les Britanniques ont-ils donc déjà oublié que c’est à l’un des plus illustres de leurs compatriotes, John Lennon, que l’on doit cette magnifique chanson qui invite à imaginer un monde sans nations, sans frontières ? Que certains loyaux sujets de sa majesté britannique éprouvent de la nostalgie pour leur empire, ça peut se concevoir, mais la perspective d’un retour effectif à la situation antérieure à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun, comme on appelait l’union à l’époque, relève du fantasme : on ne peut pas faire table rase du passé, même, et d’ailleurs encore moins, s’il ne s’agit que d’un demi-siècle. Le choix du repli identitaire a toujours causé plus de problèmes qu’il n’en a résolu : dommage que ce pays qui a tenu tête à l’Allemagne nazie l’ait oublié…
Pour essayer d’oublier la folie de mes semblables, sous l’égide de la fée bienveillante qui m’héberge et de son admirable mari, je continue à visiter Nantes et j’apprends enfin le vrai sens du mot « gentrification » : la cité des ducs de Bretagne a sa culture ouvrière derrière elle et le centre-ville sent fort l’artificiel, le pseudo-pittoresque ripoliné et encaustiqué pour séduire les bobos, tandis que les descendants des prolétaires sont relégués dans les banlieues. Le principal artisan de ce chef-d’œuvre ? Le maire socialiste Jean-Marc Ayrault… Ça n’a pas gâché un plaisir de savourer un bon repas au Lieu Unique, le long du canal, mais je gardais tout de même un couteau au cœur ; heureusement que j’avais le rire de ma charmante hôtesse…
SAMEDI 25 – DIMANCHE 26 JUIN
Vous avez lu Ruée sur l’Oklahoma ? C’est un album de Lucky Luke : sans entrer dans le détail, sachez qu’on y voit des pionniers élire le maire de leur ville-champignon et protester quand ils apprennent la victoire de l’idiot (présumé) du village, pour lequel ils avaient voté « pour rigoler » ! Aussi, aujourd’hui, quand je vois des Anglais (je dis bien des Anglais : les Écossais n’ont pas perdu la raison, eux) annoncer qu’ils regrettent déjà leur vote parce qu’ils croyaient qu’il n’y aurait pas de Brexit, je me dis que Goscinny était un écrivain réaliste… Voilà où ça mène, de dire sans arrêt que le vote ne sert à rien !
Un militaire se suicide aux Galeries Lafayette. Voilà un fait divers fort tragique qui révèle à quel point ces hommes et ces femmes qui risquent leur vie pour nous protéger sont soumis à une grave tension nerveuse qui… ET MERDE, J’Y ARRIVE PAS ! Bien fait, un de moins ! La seule différence entre les militaires et les terroristes, c’est qu’on ne paie pas d’impôts pour les terroristes ! Qu’ils s’entretuent, ils laisseront les civils tranquilles ! Désolé, c’est plus fort que moi…
À dimanche prochain, si on veut… Ah non, c’est vrai, j’oubliais, j’ai deux semaines à commenter ! Bon, reprenons…
LUNDI 27 JUIN
C’est rassurant : il n’y a pas que les Anglais qui votent comme des cons ! Les habitants de Loire-Atlantique se défendent bien eux aussi ! Ceux qui contestent la loi travail en affirmant qu’elle trahit la volonté populaire me font rire : il semble au contraire que cette loi reflète plutôt bien les désirs du peuple qui, visiblement, aime se faire enfiler par le grand capital et, même, en redemande ! On a beau jeu de se moquer des Suisses qui refusent une semaine de congés supplémentaires, les Français aussi manquent rarement, quand on leur demande leur avis, de prendre fait et cause pour la loi des grandes entreprises ! Bref : les électeurs du département 44 ont approuvé un projet totalement inutile et obsolète qui n’arrange que l’entreprise de Vinci ! En fin de compte, on a les gouvernants qu’on mérite…
Soutenance de thèse de mon amie Nathalie Narvaez sur le thème La violence extrême à l’épreuve du genre : la voix des auteures du Rwanda et du Guatémala. L’un des jurés a fait remarquer à la candidate qu’elle avait utilisé des expressions de journaliste de télé : ça ne l’a pas empêché d’employer lui aussi l’expression « politiquement correct », et plus journalistique que cette expression maudite, véritable machine à faire fermer leur gueule aux progressistes, tu meurs. Mais pour avoir discuté ensuite avec ce monsieur, j’ai bien compris qu’il jouait un rôle, chaque jury de soutenance de thèse se devant de comprendre au moins un « père fouettard » ; ça n’a d’ailleurs pas empêché Nathalie d’être reçue avec les félicitations du jury ! Bienvenue dans la cour des grands, Nat’ !
MARDI 28 JUIN
Rendez-vous avec Michel Lidou qui a fort gentiment accepté de livrer l’un de ses contes devant les caméras de 2nine TV ; j’en profite pour vous rappeler que vous pouvez participer financièrement à la production de son CD de contes pour enfant, « les Asticontes » à cette adresse : https://www.leetchi.com/c/projets-de-michel-7330153 Faites un geste, il n’y a pas que les séries télé dans la vie !
Conférence de Maxime Piolot sur l’engagement citoyen : on a tendance à le cataloguer « catho » mais ce troubadour des temps modernes est avant tout un homme droit, loyal et intègre qui réfléchit avant de parler, fait rare à notre époque où l’immédiateté est élevée au rang de dogme. Un sage dans la cité tel Alain, un vrai philosophe, mille fois plus passionnant que les considérations politiques de Charles Miossec auxquelles on avait eu droit quinze jours auparavant ! Et pour ne rien gâcher, sa femme est vraiment superbe…
MERCREDI 29 JUIN
Je n’en peux plus de ce temps dégueulasse : il n’y pas si longtemps encore, la Bretagne était l’une des rares régions à jouir d’un temps chaud et ensoleillé tandis que le reste de la France croupissait sous des pluies diluviennes. Ça me manque déjà ! Quand il pleut sur l’été, vous vous demandez vraiment quelle faute vous avez pu commettre pour ne même pas avoir droit au soleil quand vient la période des vacances ; en attendant, je n’ai plus goût à rien, je n’ai même plus touché à un crayon depuis dix jours, ce qui est vraiment très mauvais signe… Et oui, l’affreux jojo qui écrit toutes ces ignominies est un être humain comme vous, qui a besoin d’amour et de chaleur ! Alors si vous m’aimez un peu, n’hésitez pas à le dire…
Nouvelle représentation de ma « conférence décalée » à la faculté Victor Segalen : je clos ainsi une saison universitaire pleine comme un œuf et, accessoirement, je rameute trois fois plus de public que Maxime Piolot ! Vous avez été plus nombreux pour m’écouter dire des conneries que pour recevoir le message de paix, de respect et d’humanité de l’ami Maxime ! Si vous n’étiez pas mon public, je dirais bien que vous me dégoûtez…
JEUDI 30 JUIN
Boris Johnson, sinistre crétin, te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Tu laisses derrière toi un pays aussi morcelé qu’une vulgaire Yougoslavie (cf. l’excellent dessin de maître Jean-François Batellier), où le pouvoir central n’aura plus rien à répliquer aux volontés d’émancipation de l’Écosse, un État auquel l’Europe ne fera pas de cadeaux ! Tel le général Boulanger avant toi, tu as renoncé au pouvoir qui te tendait les bras parce que tu as réalisé au dernier moment que tu n’avais rien à proposer à tes compatriotes ! Disparais, pathétique bouffon ! Que n’emportes-tu dans le néant, dont on n’aurait jamais dû te tirer, ce satané « Brexit » qui va empoisonner la vie politique anglaise, et même européenne, pendant des années et dont tu seras le bouc émissaire idéal ! God fuck Johnson !
Si vous venez aux Fêtes maritimes de Brest, qui démarrent le 13 juillet, pensez à faire un crochet à la galerie Up Art, 6 rue de la Porte, pour découvrir la double exposition, dédiée à la mer et donc de circonstance, d’aquarelles de Christophe Verdier et de crabes métalliques de Jérôme Durand – vous ne pourrez pas rater ce lieu d’exposition si vous venez voir la statue de Fanny de Laninon et de Jean Quéméneur, due au même Jérôme Durand, qui orne la nouvelle placette en face de la galerie. Édith, la patronne, se fera un plaisir de vous accueillir chaleureusement et de répondre à toutes vos questions, vous verrez !
VENDREDI 1er JUILLET – SAMEDI 2 JUILLET – DIMANCHE 3 JUILLET
Dans La Peste, Albert Camus met en scène le personnage de l’abbé Paneloux, qui affirme que l’épidémie est un châtiment divin : l’auteur semble respecter sa foi chrétienne plus qu’il ne l’approuve. Lorsque cet ecclésiastique décède, on écrit sur sa tombe « cas douteux ». J’aurais du mal à expliquer exactement pourquoi, mais je trouve que cette épitaphe conviendrait assez bien à Michel Rocard.
Et c’est sur cette belle parole que je ferme cette rubrique, espérant que j’aurai assez de deux mois pour me refaire une santé. À septembre prochain, si on veut bien.