Magazine Journal intime

L'Appel Du 18 Juin.

Publié le 18 juin 2008 par Mélina Loupia
En ce moment précis, nous sommes toutes et tous déjà demain. Donc aujourd'hui, alors que mon aujourd'hui n'est pas encore terminé, puisque je ne suis pas couchée. Il a été un temps où cette heure induse m'aurait valu un savon sec de l'autorité parentale dont une moitié pouvait passer ses nuits entières à lire à l'infini un Agatha Christie. Une bougie collée par terre, juste assez de lueur pour faire courir les yeux sur ces lignes qu'elle connaissait de toute façon par coeur. Mais juste pour le plaisir et le respect de l'autre partie qui elle, rêvait qu'elle atteignait enfin la paix dans les abysses de la belle bleue, comme son père. Mais voici que j'ai passé l'âge de me faire sermonner, sous peine de renvoyer se coucher ma mère qui aimait tant lire jusqu'au petit matin. En plus, ce soir, cette nuit, ce petit matin, j'ai une excellente raison pour sécher ma nuit. Car demain, ce matin, tout à l'heure, on est le dix-huit juin. Un jour sacré, solennel. Un bon sujet d'histoire pour le brevet des collèges que le petit-fils du père d'une fille pourrait bien se taper dans quelques jours et moins faire le malin. Le contrôle continu ne fait pas tout, qu'on ait quinze ans et une bonne tête de plus que sa mère. Quand on aura la même voix de Roger  et autant de poils aux mollets que sa mère, on en reparlera. Ce jour-là, quasiment à cinquante ans de nous, un gradé aussi grand que ses oreilles a décidé de faire de la radio. Comme ça, histoire de faire un petit coucou aux compatriotes, les inviter à une garden party à Londres. Et même si les puristes hurleront à l'erreur historique et mégoteront sur le fait qu'il y a méprise dans la date, la conscience collective et les éditions de manuels pédagogiques jouent en ma faveur pour accorder qu'il s'agit bien du dix-huit et non du vingt-deux. Le vingt-deux étant désormais le lendemain de la fête de la musique et donc de la première gueule de bois de l'été. Alors on serait pas d'humeur pour commémorer l'histoire de France. Quoi qu'il en soit, il apparaît évident qu'une carrière de militaire ou chef d'état lui a été plus favorable que celle d'animateur radio, même si le pauvre homme en est mort. Mais revenons à nos mirlitons. En ce qui me concerne, et même s'il ne s'agit pas directement de ma petite personne, j'ai toujours retenu cette date. Mais ayant comme slogan de vie que le passé est le passé, qu'il ne faut jamais regarder en arrière sous peine de se manger le pavé, je n'ai jamais vraiment aimé mes rendez-vous scolaires avec l'histoire. En revanche, retenir des suites numériques, ça, c'en est une autre. D'histoire... Je suis capable notamment de retenir un anniversaire quelconque dès lors qu'on me le dit pour la première fois. Et là, je dois appliquer la concordance des temps et me rendre à l'évidence que ce présent est passé. J'avoue que depuis quelques temps, cette mémoire des chiffres, numéros de téléphone, de série ou autre codes secrets me fait cruellement défaut. Ou alors j'en ai le souvenir à l'avance, que ce soit un mois ou un jour, mais dès que l'heure H se pointe, je réponds absente. Je songerai à régler mon horloge biologique plus tard, si je n'oublie pas. Je ne suis plus le calendrier familial que j'ai été. Pourtant, ce dix-huit juin, je ne l'oublierai pas. Je ne l'oublierai pas d'une part parce que c'est l'anniversaire de la naissance de mon papa, et qu'il entre avec lui dans ses derniers jours de vie professionnelle d'autre part. Remercié avec juste le tact nécessaire pour que personne ne trouve ça intolérable, puisque c'est bien connu, retrouver un boulot à soixante ans est fort aisé. C'est pour ça que cette nuit, je me rappelle qu'il faut que je pense à ne pas oublier de décrocher mon téléphone demain matin pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Ce sera l'appel du dix-huit juin. Découvrez Janis Joplin!

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