Invitation en petit comité chez un diplomate italien d’une extrême gentillesse. Nous fûmes reçus dans une chambre de rêve. Non pas au sens figuré – belle comme dans un rêve – mais bien littéral, telle qu’elle m’apparaît sans cesse en rêve, comme l’image enfantine de la nostalgie, sans que toutefois je désire la retrouver à mon réveil: spacieuse, entièrement tendue de soie rouge, dans une semi-pénombre, unissant ce que l’objectivité a fini par rejeter et ce qui a trouvé refuge dans l’inconscient, une noblesse qu’on fantasme dans l’enfance et dont le réel, même celui du grand monde, n’est jamais à la hauteur. La conversation faisait parfaitement corps avec la pièce. Il faut vieillir avant de voir l’enfance et les rêves qu’elle a laissés derrière elle s’accomplir – trop tard.Extrait de Theodor W. Adorno, "Vienne, après Pâques 1967", dans Amorbach et autres fragments autobiographiques, traduit par Marion Maurin et Antonin Wiser, Paris: Allia, 2016, p. 49.
par Filippo Zanghì